Graves lacunes en français au collégial: les libéraux réclament une commission parlementaire

Gabriel Côté | Agence QMI
La ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, doit venir expliquer en commission parlementaire ce qui sera fait pour améliorer la maîtrise du français par les étudiants et le personnel dans les établissements d’enseignement au collégial, estime l’opposition officielle.
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La députée libérale Madwa-Nika Cadet a demandé lundi la tenue d’une commission parlementaire pour se pencher sur le Rapport du comité d’expertes sur la maîtrise du français au collégial, rendu public le 10 mars dernier.
«De son propre aveu, le gouvernement dit qu’il priorise le français. Pour être en parfaite cohérence avec lui-même, il n’a donc pas d’autre choix que d’accepter notre demande de mandat d’initiative», a lancé Mme Cadet en entrevue.
Le rapport en question fait état de gigantesques défis quant à la maîtrise du français au cégep. Les auteures y expriment que la piètre qualité de la langue écrite empêche une proportion considérable d’étudiants d’obtenir un diplôme d’études collégiales.
La situation est d’autant plus préoccupante que les établissements d’enseignement sont contraints d’embaucher des profs qui n’ont pas un niveau de maîtrise adéquat de la langue de Molière, en raison de la pénurie de main-d’œuvre.
C’est le gouvernement qui a lui-même commandé une étude sur la question à l’automne 2021 et le rapport lui a été remis quelques mois plus tard, en janvier 2022. Or, il a fallu attendre plus d’un an pour qu’il soit rendu public.
Les libéraux veulent savoir ce qui a été fait par le gouvernement au cours des 13 derniers mois pour améliorer l’état des choses. «Le rapport mentionne expressément qu’il y a urgence d’agir, car les recommandations qui y sont faites, si elles donnent lieu à des actions concrètes, demandent beaucoup de temps avant de donner des résultats», a souligné Madwa-Nika Cadet.
Outre Pascale Déry, l’opposition officielle veut entendre le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, ainsi que les auteures du rapport, la Fédération des cégeps, les enseignants et les étudiants.
Écriture numérique
Dans leur rapport, les expertes suggèrent que «l’écriture numérique devienne la pratique courante au collégial» dans l’ensemble des disciplines. Elles proposent également de normaliser l’utilisation des outils numériques de correction et de révision des textes, et éventuellement d’en permettre l’utilisation lors de la réalisation des épreuves de français.
«A priori, il faut que les élèves puissent maîtriser la langue, pour ensuite être en mesure de se servir des correcticiels», a commenté la députée libérale, qui juge qu’une commission parlementaire serait l’occasion pour les expertes d’expliquer pourquoi elles font cette recommandation.
Grammaire
Comme les difficultés des étudiants en français sont principalement dues à une maîtrise insuffisante de la grammaire, le rapport recommande d’en étendre l’enseignement au Cégep, ce qui avait surpris les profs.
«C’est comme si on disait aux profs de mathématique d’enseigner les tables de multiplication au cégep», avait réagi la présidente de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec, Caroline Quesnel. Selon elle, l’enseignement supérieur doit pouvoir s’appuyer sur un «certain niveau de connaissance de base», normalement acquis au primaire et au secondaire.
Madwa-Nika Cadet admet sans peine qu’il y a «quelque chose d’aberrant» à ce que les élèves ne soient pas en mesure de maîtriser les «concepts de base de la grammaire» une fois rendus au collégial, mais elle remarque justement que certaines recommandations du rapport méritent d’être étudiées.
«L’idée d’un cours d’appoint pour ceux qui n’obtiennent pas plus de 75% à l’épreuve de français en secondaire 5 est extrêmement intéressante. Cette une mesure qui vise les étudiants en difficulté, plutôt que de viser la moyenne générale du secondaire», a-t-elle expliqué.
Liste des intervenants que les libéraux veulent entendre en commission parlementaire
- La ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry
- Le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge
- Les membres du comité d’expertes sur la maîtrise du français au collégial
- La fédération des cégeps
- La fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ)
- La fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN)
Réussite scolaire compromise
- Les étudiants ayant obtenu moins de 75% à l’épreuve de français de secondaire 5 représentent 40% des nouveaux admis au collégial depuis 2010.
- Environ 50% de ces étudiants n’obtiendront pas leur diplôme d’études collégiales.
- Ceux qui obtiennent une meilleure note au secondaire ont un taux de diplomation au cégep oscillant autour de 84%