GND, de «carré rouge» à «carré beige»

Antoine Robitaille
Nulle surprise que la position de Gabriel Nadeau-Dubois sur la prétendue inutilité de boycotter Meta fasse des vagues à l'intérieur même de Québec solidaire. Elle est intenable.
La candidate au "co-porte-parolat" Émilise Lessard-Therrien confiait hier au Journal que plusieurs membres du parti lui avaient écrit afin de « manifester leur malaise ».
L'ancienne députée abitibienne au franc-parler plaide d'ailleurs désormais pour que son parti ne renouvelle pas ses publicités Facebook, après la « Journée sans Meta » d'hier.
À l'interne, on dira qu'elle se désolidarise de son co-porte-parole. Mais au fond, sa position courageuse fait d'elle, dans ce type d'affaires, la véritable héritière de l'historique QSiste.
Boycottage
Car des boycottages QS, en a menés et appuyés de nombreux depuis sa fondation en 2006.
GND rompt avec cette tradition en disant : « On le voit bien, les gestes symboliques, en ce moment, ils ne font pas plier ces plateformes-là. »
Transportons-nous en 2006. Amir Khadir appuie vigoureusement la campagne de boycottage des produits israéliens; manifeste continuellement devant une boutique de Montréal vendant des produits fabriqués dans cette (seule) démocratie du Proche-Orient. Qu'aurait-il répondu à une personne lui disant : « Écoute Amir, arrête ça! On le voit bien, les gestes symboliques, en ce moment, ne font pas plier Ariel Sharon. » Il l'aurait envoyé paître, évidemment !
Khadir a aussi appelé au boycottage d'Uber, du Journal de Montréal en lock-out, de Petro-Canada, etc.. S'arrêtait-il, à chaque fois, à l'inutilité immédiate du moyen ?
Non, il s'agissait pour lui a) d'être fidèle à ses convictions et cohérent avec elles; b) de lancer un message, visant à sensibiliser à une cause. Le boycottage a nécessairement un aspect donquichottesque, généreux et désintéressé, qui place les convictions avant le calcul. Précisément ce que le QS de GND semble oublier, à force (entre autres) de chercher désespérément à croître dans l'électorat.
GND est passé du «carré rouge» rebelle, auteur de «Tenir tête», à député orange à la sauce NPD. En février, il a même affirmé que QS devait simplifier encore son message ! De rouge à orange, on passe tranquillement au beige.
QUB
Le seul boycottage que le QS de GND a véritablement osé ces derniers temps, c'est celui contre notre petit média québécois: QUB radio ! Pour des propos qu'un seul de ses commentateurs, Gilles Proulx, avait tenus. Propos épouvantablement outranciers certes (je n'apprécie guère le style proulxien, je l'ai déjà écrit publiquement), mais que QS a faussement assimilés à des incitations à la violence, afin de justifier son curieux boycottage. Que ça nous chante ou non, la liberté d'expression telle que définie au Québec et au Canada autorise les insultes de Proulx. Abandonné discrètement en juin à la suite de discussions franches et satisfsaisantes des deux côtés, le boycottage de QS aura fait chou blanc: Proulx est toujours à l'antenne.
En revanche, boycotter jusqu'au bout Meta, un géant du web, en dénonçant cette entreprise du « nouveau grand capital transnational » dont nous sommes terriblement captifs, aurait été un choix cohérent pour QS ! Ramené un peu de rouge, sur un carré de plus en plus beige.