Le Carnet de Karine: Gisèle Gallichan a appris très jeune les rudiments du métier de journaliste

Karine Gagnon
Chaque semaine, la chroniqueuse et journaliste Karine Gagnon vous convie à une grande entrevue avec une personnalité marquante de la Capitale-Nationale.
Pionnière dans le monde du journalisme, Gisèle Gallichan a été la première femme correspondante parlementaire d’un média électronique à l’Assemblée nationale, où elle a œuvré de 1967 à 1996, pavant la voie à de nombreuses autres depuis.
Alors journaliste à CKCV, Gisèle Gallichan était entrée en poste en cette fameuse année de l’Expo 67, où de nombreux chefs d’État s’étaient pointés à Québec.
Au départ, elle devait couvrir aussi les faits divers et l’actualité générale. Le premier événement d’envergure qu’elle a été appelée à couvrir comme correspondante parlementaire fut la visite du général de Gaulle. Elle l’a suivi de Québec et jusqu’à Montréal, où il a prononcé son discours se terminant avec le fameux: «Vive le Québec libre!»
«Je devais démontrer à mes patrons que je n’avais pas besoin d’un technicien», se souvient-elle, évoquant l’équipement alors très lourd qu’il lui fallait transporter.
L’histoire des premières
La première journaliste correspondante parlementaire à Québec, Evelyn Dumas, de la presse écrite, était entrée en fonction en 1961, quelques mois avant l’élection d’une première députée, Claire Kirkland-Casgrain.
Mme Gallichan n’a pas côtoyé Mme Dumas, mais même en 1967, il y avait encore très peu de correspondantes féminines à Québec: elle cite Lisa Balfour, Renée Lacoursière, Françoise Côté, Susan Altschul, notamment.

«Les journalistes les plus âgés de la tribune, qui étaient là depuis parfois quelques décennies, voyaient arriver des femmes à l’écrit d’abord, et les considéraient comme des curiosités temporaires, qui n’allaient pas durer.»
Il a d’ailleurs fallu plusieurs années avant que ces premières figures féminines se retrouvent sur les tableaux des journalistes ornant les murs de l’Assemblée nationale, fait-elle remarquer.
Sur les traces de son père
Fille du journaliste Lionel Gallichan, qui sera aussi chroniqueur judiciaire au Journal de Québec, la jeune Gisèle a appris très jeune les rudiments du métier.
Dès l’âge de 14 ans, elle suivait son père à la station de radio CKCV, où il travaillait. «Je préparais les bulletins de météo, je voyais un peu comment ça fonctionnait dans le service de nouvelles de CKCV, et j’ai appris sur le tas. La passion était déjà là, alors que j’étais encore aux études», raconte-t-elle.
Mme Gallichan a aussi partagé avec son père sa passion du théâtre. «Mon père avait fait du théâtre dans les années 40 [...]. Après mon école secondaire, je suis entrée au Conservatoire de Québec.»
La jeune fille avait alors deux idoles dans sa vie: la comédienne Denise Pelletier et la journaliste Judith Jasmin. Elle se souvient d’avoir assisté à des pièces dans lesquelles Mme Pelletier jouait afin d’observer sa technique, d’écouter sa diction. «Je la trouvais magnifique!»
Partagée entre ces deux passions, pour le théâtre et le journalisme, elle a dû faire un choix. «Je suis arrivée à un carrefour en Y. Heureusement, il y avait le théâtre d’été», dit celle qui a combiné les deux métiers durant plusieurs années, l’été, jusqu’à ce que le journalisme l’occupe trop et l’oblige à choisir. C’est Judith Jasmin qui l’a emporté, glisse-t-elle en souriant.
«On ne peut pas être une bonne journaliste fatiguée et une bonne comédienne fatiguée», dit-elle.
Importance de l’histoire
Pour en revenir à sa carrière de journaliste, au fil des années, Mme Gallichan a œuvré successivement pour Radiomutuel, Radio-Canada, TVA et Radio-Québec.
En 1996, elle a fait un passage comme directrice de cabinet dans le gouvernement Bouchard. Elle a ensuite agi à titre de commissaire pour le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, avant de revenir à ses premières amours, en 2003.
«Je suis allée brouter de temps en temps de l’autre côté de la clôture, mais je me suis tellement ennuyée du métier que je n’y suis pas restée longtemps», lance-t-elle.

Ces dernières années, elle a accompli de nombreux mandats comme animatrice et narratrice pour des producteurs privés et publics. Elle a aussi présenté des capsules d’information au canal de l’Assemblée nationale.
«J’aime beaucoup faire du documentaire», dit-elle, s’étant découvert une passion pour la recherche, en matière d’histoire notamment. «Nous ne connaissons pas notre histoire», déplore celle qui est aussi la sœur de l’historien Gilles Gallichan.
L’été dernier, Mme Gallichan a perdu son grand complice des 35 dernières années, Gilles Normand, journaliste retraité de La Presse. «On s’est rencontrés alors que j’étais à TVA, et que j’avais décidé de mettre une croix sur l’amour, parce que c’était compliqué avec le métier et les horaires. Mais le destin m’a joué le meilleur tour. Ç’a été une vie de complicité, avec beaucoup d’humour», raconte-t-elle.
La journaliste dans l’âme, qui a reçu en 1993 la médaille de l’Assemblée nationale, demeure passionnée par ce métier. Elle continue de suivre de près l’actualité, et regarde et écoute les bulletins à la radio et à la télé, on le devine, avec un œil aiguisé et critique.
À ne pas manquer, mercredi soir à 20h30, sur les ondes de MAtv (chaîne 9 [Hélix et illico], 609HD [illico]), l’émission Le Carnet de Karine à propos de Gisèle Gallichan.