Gilles Vigneault et Boucar éclipsent la Saint-Jean


Guy Fournier
Aidés par l’orage et la chaleur écrasante, Gilles Vigneault et Boucar Diouf ont volé la vedette à la Saint-Jean.
Ce fut une bizarre de fête nationale. Elle a dû capituler devant un ciel d’apocalypse sur les plaines d’Abraham, puis se refaire une posture de dernière minute au parc Maisonneuve à la suite de la mort de Serge Fiori, l’âme du groupe Harmonium et souverainiste surdimensionné.
Nous n’avons pu voir à Télé-Québec qu’un échantillon du spectacle des plaines d’Abraham: des artistes en long rang d’oignons faisant de leur mieux pour garder le rythme et une humeur festive devant une poignée de spectateurs le nez collé sur l’avant-scène. Un tour de chant au rabais au lieu d’une fête pour laquelle on avait englouti deux millions de dollars. Son extravagance devait faire pâlir les célébrations du parc Maisonneuve.
Le «colleux» – que j’appelle encore «câlin» – du couple Bianca Gervais et Sebastian Diaz, imité par quelques braves spectateurs, fut le moment le plus émotif de cette fête rattrapée in extremis par les caméras de Télé-Québec avant qu’elle ne disparaisse à jamais dans l’oubli. Un malheur presque aussi insupportable que le départ des Nordiques! Surtout que c’est la deuxième fois de suite que le ciel fait le coup à Québec.
LE LENDEMAIN À MONTRÉAL
Au parc Maisonneuve, le temps était bon. Celui du ciel comme celui de Stéphane Venne, chanté par le Grand Chœur de l’Alliance chorale du Québec. Chaleureuse, souriante et émotive, selon le cas, Guylaine Tremblay réussit à se faire comprendre de la foule bruyante que Charlebois, Matt Lang, Loud, Yann Perreau et surtout l’éblouissante soprano Elisabeth St-Gelais entraînaient avec eux. Pour une fois, on a eu l’intelligence de sous-titrer les mots en innu.
Pour clore la fête, Antoine Bertrand souleva la foule en transformant en salves sonores certaines paroles de nos chansons. Elles ne feront pas oublier à ceux qui ont vu le spectacle à la télévision que Radio-Canada a sauvagement coupé l’hommage à Serge Fiori par des messages publicitaires. Une abomination! Il suffirait d’éliminer une ou deux émissions niaiseuses pour dispenser de pubs à jamais la Saint-Jean et la fête du Canada.
«AU CŒUR DU PAYS»
C’est le documentaire animé par Boucar Diouf et diffusé à Télé-Québec Gilles Vigneault: au cœur du pays qui a le mieux célébré la Saint-Jean. Le poète de Natashquan se fait rare, mais on en a besoin plus que jamais, l’avenir de notre peuple comme de sa langue n’ayant jamais été aussi fragile.
Au parc Maisonneuve, Robert Charlebois a finalement chanté Lindberg, qu’il avait composée avec Claude Péloquin en 1968. Vingt-trois ans plus tard, il ne restait plus aucune des six lignes aériennes du refrain: «Québecair, Transworld, Northern, Eastern, Western pis Pan American»!
Dans un demi-siècle, que restera-t-il de cette si belle langue dans laquelle Gilles Vigneault a chanté Gens du pays il y a 50 ans, le jour de la Saint-Jean?