George Clooney et CNN auront payé le prix fort


Guy Fournier
L’un et l’autre auront payé le gros prix pour dénoncer Donald Trump, un président sans foi ni loi.
Samedi soir, CNN, la plus ancienne chaîne d’information des États-Unis, a diffusé en direct et sans aucune publicité l’avant-dernière représentation de la pièce Good Night, and Good Luck, écrite par George Clooney et Grant Heslov et adaptée de leur film sorti en 2005. Le titre rappelait la façon dont Edward Murrow terminait chacune de ses émissions.
Au Québec, le film était intitulé Bonsoir, et bonne chance.
Depuis l’élection de Trump, il m’est arrivé à quelques reprises de rappeler dans ma chronique la lutte sans merci qu’a livrée dans les années 1950 le sénateur Joseph McCarthy à ceux qu’il soupçonnait de sympathies communistes. Tout comme Trump qui ne cesse de salir des réputations à coup de mensonges et d’allégations, le petit sénateur du Kentucky (comme l’appelait toujours Edward Murrow) n’a pas cessé d’accuser faussement des dizaines d’artistes et d’auteurs, ruinant leur carrière et leur réputation. Charlie Chaplin, Orson Welles, Lena Horne, Jules Dassin, Arthur Miller comptent parmi ceux qui ont goûté à sa médecine.
Un pied de nez à Trump
La pièce, qui s’est terminée dimanche au Winter Garden Theatre, avait pris l’affiche le 12 mars dernier. Durant la semaine se terminant le 4 mai, elle avait établi un record d’assistance avec des recettes de plus de 4 millions $US. Tout un pied de nez à Donald Trump qui avait traité George Clooney d’acteur de seconde zone après l’avoir entendu promouvoir sa pièce à l’émission de CBS 60 Minutes.
La pièce trace un parallèle sans équivoque entre l’ère McCarthy et la présidence actuelle de Donald Trump. C’est d’autant plus évident qu’elle se termine par des images de l’attaque du Capitole du 6 janvier 2021 et par le salut nazi lancé par Elon Musk, le soir de l’investiture du président.
Une formule pis-aller
Malgré une captation qui a dû coûter un bras (sûrement quelques millions), il n’en reste pas moins que cette formule reste un pis-aller. Aucune captation, si parfaite soit-elle, n’arrive à faire éprouver les émotions que l’on ressent quand on assiste à une pièce de théâtre. Ce n’est pas sans raison qu’on parle toujours du théâtre comme d’un «art vivant».
Durant la pandémie, le ministère des Affaires culturelles du Québec a consenti une subvention spéciale de 1 million $ afin que Télé-Québec puisse présenter des captations. Elles ont toutes été déficitaires et les cotes d’écoute furent anémiques. Pour les rentabiliser, il aurait fallu que chaque téléspectateur paie dix fois plus que les 17$ qu’on demandait sur Internet.
CNN a sûrement mangé ses bas pour la captation de samedi soir dernier, et Clooney a joué toute la pièce sur Broadway en ne recevant qu’un dollar par représentation, mais, heureusement, il reste des médias et des artistes prêts à payer le gros prix pour défendre l’état de droit et la démocratie.