Geneviève Schmidt avoue encore avoir le syndrome de l’imposteur

Daniel Daignault
La sortie en salle de Nos belles-soeurs constitue un véritable événement. Geneviève Schmidt, entourée d’une panoplie de consoeurs connues et talentueuses, a eu le privilège de défendre le rôle principal de ce film inspiré de l’oeuvre emblématique de Michel Tremblay. Il s’agit du 14e long métrage de la comédienne depuis ses débuts en 2008, et du premier dans lequel elle tient la vedette.
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Geneviève, as-tu eu l’occasion de voir le film?
Oui, il y a eu une projection privée le 18 juin avec les propriétaires de salles de cinéma et les actrices qui pouvaient être présentes. On était une cinquantaine. Il y a aussi eu une autre projection le soir, à laquelle ont assisté une soixantaine de membres de l’équipe. René Richard (Cyr, le réalisateur) n’en revenait pas parce qu’habituellement, la plupart attendent le soir de la première pour voir le film. Tout le monde était curieux de le voir à l’avance.
Et toi, quelle a été ta réaction?
J’ai ri et pleuré lors du visionnement d’équipe. Je pense que ça va devenir un film culte. C’est tout un pan de notre histoire, ça va toucher les gens de 15 à 80 ans. J’ai tout analysé — étant très dure avec moi-même — et je suis extrêmement fière, parce que c’est très difficile de jouer du Michel Tremblay. Je me suis surpassée et, pour moi, ça consiste à m’effacer, à m’oublier pour être vraiment au service de l’oeuvre. C’est un gros travail. C’est exigeant et vertigineux de livrer les mots de Michel Tremblay.
Tu connaissais déjà l’univers de Michel Tremblay, ayant, entre autres, joué au théâtre dans Thérèse et Pierrette à l’école des Saints-Anges...
Oui, et aussi dans Bonjour, là, bonjour, où j’ai compris que de jouer du Tremblay, c’est excessivement exigeant. On peut penser que c’est facile parce que c’est du joual et que ça nous ressemble, mais il y a toujours une tournure de phrase qui n’est pas habituelle. Pour le film, je voulais être hyper respectueuse des mots de Tremblay. Il me fallait d’abord apprendre le texte, me le mettre en bouche et, après ça, l’intérioriser pour qu’il soit hyper simple et naturel à dire. Jeanne Bellefeuille, qui est la fille de Nathalie Mallette et de Robert Bellefeuille, est extraordinaire dans le rôle de ma fille. C’était son premier contrat et elle se demandait par moments comment dire certains mots ou phrases, comme «la pantry» ou «de kessé que tu me dis-là, maman!» Il y a des tournures qui ne sont pas faciles à livrer, ce sont de beaux défis à relever et Jeanne a été très bonne.
Ressentais-tu de la pression face au rôle de Germaine Lauzon, le personnage principal du film?
Écoute, René Richard Cyr m’a annoncé un jour qu’il allait réaliser son premier film avec la productrice Denise Robert. Je croyais qu’il m’annonçait simplement la bonne nouvelle. J’étais contente pour lui, j’ai répondu qu’il allait être extraordinaire! Quand il a ajouté que c’était inspiré par Les belles-soeurs et qu’il avait pensé à moi pour le rôle de Germaine, ma réaction a été: «Ben voyons, je suis bien trop jeune!» J’ai 45 ans, mais quand j’en avais 17 et que j’imaginais les belles-soeurs, je pensais qu’elles étaient vieilles! René Richard m’a fait réaliser qu’elles sont maintenant dans ma tranche d’âge. Je lui ai aussi demandé s’il était certain que j’étais à la hauteur, ce à quoi il m’a répondu: «Tu es ma Germaine.» J’ai assumé tout ça. C’était un maudit beau défi! Je voulais une belle Germaine low profile qui, après avoir gagné (un million de timbres), se demande pourquoi ça lui est arrivé à elle, par quel hasard elle a été amenée à vivre tout ça...

Donc, tu as mis ta propre couleur, tu as créé «ta» Germaine.
Oui. Je l’ai beaucoup adoucie. Dans d’autres productions, elle était loud, elle prenait de la place. J’ai décidé d’aller ailleurs. Je l’ai vue comme une fille de la gang qui, si elle n’est pas là un soir, n’empêche pas le party de pogner. Il y en a toujours une qui est un peu plus effacée que les autres, et on a joué avec ça. Je trouve que c’est un choix bien intéressant. Quand je joue, tout est calculé. Oui, j’ai un grand coeur, et je montre mes émotions, mais dans ma tête, je suis une actrice devant une caméra, ce qui fait peut-être de moi une des meilleures manipulatrices au monde. (rires) J’aime qu’on apprécie mon jeu, mais aussi qu’on décortique pourquoi on a aimé telle ou telle scène, qu’on voie mes intentions à titre de comédienne.
Va-t-on voir le mari de Germaine dans le film?
Oui, René Richard a eu la brillante idée d’écrire lui-même des scènes pour montrer que j’ai un mari. On ne fait que le nommer dans la pièce, mais au début du long métrage, on voit que j’ai une vie heureuse avec mon Henri, incarné par Steve Laplante, contrairement aux autres qui vivent beaucoup de drames avec leurs époux. On s’aime, on rit... ça a quelque chose de beau et de doux. René Richard a vraiment été très bon à la réalisation. Je savais que j’étais entre bonnes mains tout au long du tournage.
T’es-tu inspirée de femmes que tu connais?
Non, aucunement. Je ne voulais pas aller dans la caricature, penser à ma tante qui rit en fumant sa clope, rien du genre. Je me suis laissée inspirer par les robes, le maquillage et en particulier les perruques, qui étaient à la mode à l’époque. Je me suis branchée directement aux mots de Tremblay et à la direction de René Richard. Germaine va nous faire rire, nous émouvoir et nous faire ressentir beaucoup d’empathie envers elle quand sa chance va faire des jalouses...

Plusieurs grands noms jouent dans le film, dont, entre autres, Guylaine Tremblay, Anne-Élisabeth Bossé, Pierrette Robitaille et Debbie Lynch-White. On imagine facilement le plaisir que vous avez pu avoir à tourner ensemble!
Chaque jour, toutes les actrices se pinçaient d’être sur ce plateau. Il y avait une belle solidarité, l’ambiance était extraordinaire. Ç’a été un tournage exceptionnel. Que du bonheur! Toutes les personnes qui travaillaient sur cette production étaient fières d’honorer l’oeuvre de Michel Tremblay, en plus de participer au premier film de René Richard.
Après tant de rôles au cinéma, à la télévision et au théâtre, quels sont tes sentiments face à ce que tu as accompli?
Lors du visionnement d’équipe de Nos belles-soeurs, j’ai éprouvé une grande fierté et le sentiment d’être privilégiée. Si on parle de l’ensemble de ma carrière, je ne dirais pas que j’ai été chanceuse, puisque j’ai travaillé fort, mais encore une fois, je me considère comme privilégiée. La vie m’a amené tant de beaux projets, et je peux dire merci à plein de gens de m’avoir donné de la confiance, parce que j’ai encore le syndrome de l’imposteur.
Vraiment?
Oui, et je pense que je vais le garder, parce que ça me va bien. (rires)
As-tu eu le temps de te reposer ces derniers mois?
Je n’arrête pas! Je tournerai probablement un autre film l’an prochain, entre STAT 3 et 4, mais je n’avais aucun contrat cette année à la suite de STAT 2. Deux jours après la fin du tournage, j’étais dans l’avion pour aller en Autriche faire du ski à 3800 m d’altitude avec un couple d’amis! C’était vraiment extraordinaire, c’est sûr que j’y retourne l’an prochain. Je suis ensuite allée à Rome, à Venise et en Floride avant de revenir au Québec. J’ai ensuite fait des entrevues et j’ai participé à des émissions, je me suis acheté un chalet... et j’ai aussi mis de l’ordre dans mes affaires personnelles parce que je sais qu’à la reprise des tournages de STAT, je n’aurai plus le temps.
D’ailleurs, ton personnage d’Isabelle va vivre de grandes émotions cet automne...
J’ai lu le premier épisode et je ne peux évidemment rien dire, mais je suis contente, ça va être bien intéressant. Je pense qu’on va raccrocher les spectateurs tout de suite. Il y a beaucoup de fébrilité autour de la reprise des tournages, comme à la rentrée scolaire. Pour cette troisième saison, on doit absolument livrer la marchandise dans notre jeu. Marie- Andrée (Labbé) est exceptionnelle à l’écriture. Mon travail est de bien rendre Isabelle en allant toucher à ces nouveaux pans d’émotions. Comme acteur, on connaît notre personnage, mais pas ce qui va lui arriver, ni comment il va réagir. C’est ça, notre défi au quotidien. Quand Fabienne et Marie-Andrée m’ont révélé qu’Isabelle allait apprendre qu’elle a un cancer du sein, elles m’ont dit qu’elles savaient que j’étais capable de jouer ça. Ç’a été un cadeau pour moi.

Ce que va vivre ton personnage va assurément toucher les gens...
Durant ma pause de STAT, j’ai reçu énormément de témoignages de gens, rencontrés ici et là, et par Messenger. Plusieurs téléspectateurs ont été émus par l’annonce du cancer du sein d’Isabelle. Des dizaines de femmes m’ont écrit, dont une qui m’a confié avoir reçu ce diagnostic le jour même de la diffusion. Comme je ne sais pas ce qui va arriver à mon personnage, je peux seulement leur dire qu’elles vont voir que nous sommes fortes, les femmes. J’essaie de les réconforter du mieux que je peux.
Le film Nos belles-soeurs, réalisé par René Richard Cyr et produit par Denise Robert, mettant en vedette Guylaine Tremblay, Anne-Élisabeth Bossé, Debbie Lynch-White, Véronic DiCaire, Ariane Moffatt, Valérie Blais, Pierrette Robitaille, Diane Lavallée, Véronique Le Flaguais et Jeanne Bellefeuille, est en salle dès maintenant. STAT reviendra cet automne à Radio-Canada.