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L'article provient de Le Journal de Québec
Monde

Gare aux coupes de cheveux masculines et aux kidnappings en pleine rue: de nombreux droits menacés dans l’Amérique de Donald Trump

En plus des femmes, des trans et des immigrants, les travailleurs et les personnes handicapées sont aussi touchés

Des manifestants devant la Cour suprême des États-Unis, à Washington, le 2 avril dernier.
Des manifestants devant la Cour suprême des États-Unis, à Washington, le 2 avril dernier. Getty Images via AFP
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Photo portrait de Dominique  Scali

Dominique Scali

2025-04-06T04:00:00Z
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Dans l’Amérique de Donald Trump, plus grand monde n’est à l’abri de voir ses droits reculer, qu’il s’agisse des femmes voulant se procurer la pilule abortive, des immigrants qui peuvent être détenus sans préavis ou des travailleurs dont le syndicat n’est soudain plus reconnu. «Toutes les personnes qui ne sont pas comme Donald Trump» risquent d’être ciblées par son administration ou par les gouvernements d’États conservateurs décomplexés, résume Barry Eidlin, professeur de sociologie à l’Université McGill. Voici un tour d’horizon des catégories les plus menacées.

• À lire aussi: La prochaine cible de la droite trumpiste: les personnes handicapées

1) Les trans ciblés sur plusieurs fronts

«Par où commencer?» soupire Barry Eidlin.

Depuis la seconde investiture de Trump en janvier, les personnes trans ont été visées à répétition, comme dans son ordre exécutif leur interdisant de servir dans l’armée.

Manifestation en soutien aux personnes trans à New York, le 31 mars dernier.
Manifestation en soutien aux personnes trans à New York, le 31 mars dernier. Getty Images via AFP

En Arkansas, un projet de loi a été déposé qui permettrait de poursuivre quiconque aide une personne mineure dans une transition de genre. Ainsi, l’enseignant qui utiliserait le prénom choisi de l’élève pourrait être poursuivi, tout comme le coiffeur qui offrirait une coupe de cheveux qui n’est pas conforme au sexe biologique de l’enfant.

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«La rhétorique, c’est toujours d’éliminer le wokisme», résume M. Eidlin. Mais, en réalité, les attaques sont tellement larges que plus personne n’est à l’abri, considèrent plusieurs experts interrogés.

Barry Eidlin, professeur de sociologie à l’Université McGill.
Barry Eidlin, professeur de sociologie à l’Université McGill. Photo courtoisie SARAH MONGEAU-BIRKETT

2) L’avortement de moins en moins accessible

Depuis le renversement de Roe c. Wade par la Cour suprême en 2022, de nombreux États ont restreint ou banni l’accès à l’avortement. Trump a depuis signé plusieurs ordres exécutifs limitant le financement fédéral de services d’interruption de grossesse.

Et la dégringolade n’est peut-être pas finie. Des groupes pro-choix craignent qu’une vieille loi qui interdit de distribuer du matériel «obscène» par la poste ne soit utilisée par des conservateurs pour empêcher des femmes de recevoir des contraceptifs ou la pilule abortive à distance, illustre Véronique Pronovost, qui étudie les mouvements antiféministes au sein de la Chaire Raoul-Dandurand.

Véronique Pronovost, chercheuse au sein de la Chaire Raoul-Dandurand, s’intéresse particulièrement aux discours antiféministes.
Véronique Pronovost, chercheuse au sein de la Chaire Raoul-Dandurand, s’intéresse particulièrement aux discours antiféministes. Dominique Scali / JdeM

Les femmes sont également ciblées par les décrets visant à abolir les critères de diversité et d’inclusion, que ce soit dans les emplois ou dans les thèmes des programmes de recherche scientifique.

3) Des conventions collectives annulées

En mars, Trump a signé des décrets dépouillant des centaines de milliers d’employés fédéraux de leur possibilité de négocier leurs conditions de travail à travers leur syndicat.

«Il a carrément annulé leur convention collective et retiré la certification de presque tous les syndicats des secteurs publics», s’étonne Barry Eidlin. «C’est un assaut total sur les droits des travailleurs et sur le mouvement syndical».

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La manœuvre étant illégale, elle se retrouvera assurément devant les tribunaux... dont on ignore encore si le président respectera les jugements.

Elon Musk, chargé de procéder à des licenciements massifs au sein de l’appareil d’État fédéral.
Elon Musk, chargé de procéder à des licenciements massifs au sein de l’appareil d’État fédéral. AFP

Selon plusieurs représentants cités dans les articles américains, il s’agirait d’une façon de punir les syndicats parce qu’ils tentent de résister aux compressions massives de l’équipe DOGE d’Elon Musk.

4) Des immigrants enlevés en pleine rue

Les opérations visant des immigrants ou des étudiants ayant un visa font partie des actions les plus spectaculaires de la nouvelle administration Trump.

Il y a un peu plus d’une semaine, l’étudiante turque Rumeysa Ozturk a été arrêtée en pleine rue par des agents du ministère de la Sécurité intérieure vêtus en civil. Elle a été ciblée parce qu’elle avait milité pour la cause palestinienne.

Rumeysa Ozturk, l’étudiante turque qui a été enlevée en pleine rue par des agents d’immigrants près de l’université Tufts, à Somerville, au Massachusetts.
Rumeysa Ozturk, l’étudiante turque qui a été enlevée en pleine rue par des agents d’immigrants près de l’université Tufts, à Somerville, au Massachusetts. Photo obtenue par REUTERS

Trump a également invoqué une loi qui ne devrait s’appliquer qu’en temps de guerre pour expulser plus de 200 Vénézuéliens qui sont présumés faire partie d’un gang criminalisé.

«On expulse des gens sans égards aux questions de citoyenneté ou de culpabilité [...] Il y a des gens qui avaient la résidence permanente, et on a révoqué leur résidence», illustre Barry Eidlin.

«Ce n’est qu’une question de temps avant de voir un citoyen qui se fait expulser de cette manière», soupçonne-t-il.

5) La prochaine cible: les handicapés

Bien que cette catégorie ait moins fait couler d’encre jusqu’ici, plusieurs observateurs notent que certains décrets signés par Trump auront des conséquences néfastes sur les adultes et enfants ayant un handicap. C’est notamment le cas du démantèlement du département fédéral de l’Éducation, qui finançait de nombreux programmes pour les élèves ayant des limitations physiques, un trouble du spectre de l’autisme ou ne serait-ce qu’un déficit d’attention.

6) Anciennes hiérarchies

«C’est comme s’il y avait deux ordres de citoyens», résume Véronique Pronovost à propos de cette façon «très macro» de s’en prendre aux droits de beaucoup de groupes démographiques en même temps.

Plusieurs experts interrogés y voient aussi une vision quelque peu «eugénique» de la société, c’est-à-dire l’idée qu’il y ait des gens génétiquement supérieurs et d’autres, inférieurs.

Ce qu’on observe, c’est une tentative de «réinstaller les anciennes hiérarchies», résume Greg Robinson, professeur d’histoire à l’UQAM, qui rappelle au passage le passé esclavagiste de son pays.

«Dans un sens, je ne reconnais plus mon pays, mais comme historien, je ne le reconnais que trop bien», laisse tomber celui qui vit au Québec depuis près de 25 ans.

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