Gare à la pensée magique et à l’idée de Duhaime d’abolir la «taxe carbone»


Karine Gagnon
Abolir le marché du carbone au Québec, comme le propose Éric Duhaime, représente la pire des options, et ce, pour plusieurs raisons. Sauf que le gouvernement a quand même la possibilité d’agir pour alléger le fardeau des contribuables.
Prêt à tout pour être élu dans Arthabaska, le chef du Parti conservateur du Québec s’est jeté sur l’abandon de la «taxe carbone» au Québec sans y avoir trop réfléchi, visiblement.
Mais ce n’est pas pour rien que les partis représentés à l’Assemblée nationale rejettent à l’unanimité cette idée facile.
C’est parce qu’elle équivaudrait à anéantir un système de marché ou de bourse très sophistiqué, dans lequel le Québec a investi énormément et qui fonctionne bien, comme l’explique Patrick Gonzalez, professeur agrégé au Département d’économique de l’Université Laval.
Ce genre de système laisse en effet plus de choix aux entreprises pour s’organiser comme elles le souhaitent. Il a aussi fait ses preuves: c’est une bourse du genre qui a permis de régler la problématique des pluies acides, dans les années 1980.
À l’origine, M. Gonzalez avait tout de même critiqué le caractère lourd et complexe du système choisi par le Québec. Sauf que maintenant qu’il est en place, et voyant les résultats, il considère que «c’est une belle machine et que ce serait idiot de la scrapper (...) C’est l’équivalent d’un changement de système de chauffage qu’on a remplacé», illustre-t-il.
Marge de manœuvre
Au Québec, contrairement à la taxe carbone que vient d’abandonner le Canada, on a en effet opté pour un système de plafonnement et d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre (SPEDE). Celui-ci est lié, depuis 2014, au marché de la Californie.
Dans tous les cas, l’objectif consiste à lutter contre les changements climatiques en incitant les entreprises à réduire leurs émissions de GES, qui peuvent refiler une partie de la facture aux consommateurs.
Rien n’empêcherait cependant le gouvernement du Québec de décider de fixer des objectifs moins ambitieux en matière de réduction des GES. En d’autres termes, il serait possible de moduler le système. «Si les gens trouvent qu’on fait trop d’efforts ou qu’on paie trop cher, le ministre a toute la latitude pour faire ça», confirme le professeur Gonzalez.
On pourrait aussi très bien revoir la façon de dépenser les milliards de dollars qui sont générés par le SPEDE. «C’est là-dessus qu’il devrait y avoir un plus gros débat», considère le professeur Gonzalez, qui serait favorable à l’idée de remettre ces fonds au public.
Et si les gens trouvent qu’ils paient trop cher l’essence, il y aurait moyen d’agir sur la taxe sur le carburant, qui est pas mal plus élevée que la taxe carbone. Mais c’est un autre débat.
Injuste pour le Québec
Il serait par ailleurs injuste et inapproprié que le Québec demeure la seule province à faire des efforts. Là-dessus, Duhaime marque un point.
Après son élection, le premier ministre Mark Carney a annoncé l’abandon de ce qui avait été mis en place au Canada. Ce geste politique faisait écho à Pierre Poilievre et son «axe the taxe». L’argent retournait pourtant dans les poches des contribuables, ce qui a été très mal expliqué.
Mais considérant que, dans tous les pays développés, des mécanismes pour réguler le carbone existent, Carney devra arriver avec une autre proposition, et plus tôt que tard.