Gare à ces manifestants qui jurent vouloir «protéger» les enfants
C’est une erreur de présenter comme «deux extrêmes» semblables ces milliers de manifestants venus scander «laissez les enfants tranquille» et les contre-manifestants venus défendre les droits des personnes LGBTQ+.


Josée Legault
Comme aux États-Unis, des groupes bien organisés se mobilisent au Canada contre l’enseignement de l’identité de genre à l’école. À preuve : ce mercredi, la tenue concertée de manifestations dans plusieurs villes du pays, dont Montréal.
Le sujet est complexe, j’en conviens. Il est aussi vrai que l’on peut avoir des interrogations légitimes sur le sujet sans être homophobe ou transphobe pour autant. Mais attention. Ce n’est PAS le cas ici.
En fait, c’est une erreur de présenter comme « deux extrêmes » semblables ces milliers de manifestants venus scander « laissez les enfants tranquille » et les contre-manifestants venus défendre les droits des personnes LGBTQ+.
Il faut en effet savoir que ces manifs contre l’enseignement de l’identité de genre ont été organisées par un groupe de pression nommé 1 Million March 4 Children.
C’est un aréopage de libertariens, d’ultraconservateurs, de fondamentalistes religieux de toutes confessions et de compagnons de route du soi-disant convoi de la liberté en quête d’une nouvelle croisade.
Ce mouvement repose sur la conviction qu’à l’instar des masques et des vaccins durant la pandémie, les gouvernements complotent pour prendre le contrôle de leur vie. Dans ce cas-ci, celle des parents et de leurs enfants.
Or, comme pour ses cousins américains, il s’oppose en fait à deux éléments spécifiques. L’éducation sexuelle sous toutes ses formes et ce qu’il appelle la « sexualisation prématurée » et l’« endoctrinement » des enfants.
Contagion sociale ?
Sur le site web de 1 Million March 4 Children, section « matériel d’éducation », on peut même y lire ceci en anglais.
Traduction libre : « Des statistiques des États-Unis montrent que le niveau de personnes s’identifiant comme LGBT est plus élevé chez les jeunes générations, ce qui indique qu’il s’agit d’un phénomène de contagion sociale et non pas d’un vrai mouvement de droits civiques. » Ouf.
Il y a un demi-siècle, on entendait le même argument homophobe de la part de parents américains de la droite réclamant le droit de « protéger » leurs enfants de la « contagion » de l’homosexualité à l’école.
Cette fois-ci, il s’étend aux personnes LGBTQ+. Du même coup, il devient la nouvelle croisade des complotistes de la pandémie. Chez 1 Million March 4 Children ou des groupes similaires, c’est le même modus operandi.
Pas sortis de l’auberge
Ils sont hyper organisés et bien financés. Ils manifestent nombreux. Ils confrontent physiquement et insultent l’« ennemi » du jour en jouant aux martyres de gouvernements « liberticides ».
Sur leurs sites web, ils vendent leur matériel promotionnel – affiches, t-shirts, casquettes, etc.–, dont les messages et les drapeaux rappellent ceux du soi-disant convoi de la liberté.
On y trouve des t-shirts pour bébés, enfants, ados et adultes. Les messages imprimés en anglais sont à l’avenant. Quelques exemples en traduction libre : « Je ne suis pas une expérience de laboratoire » (comme si l’identité de genre était l’œuvre de savants fous).
« La liberté est essentielle ». « Trudeau est un traître ». « L’immunité naturelle est scientifique ». « Dieu avant le gouvernement ». « Rendez les salles de bain sécuritaires à nouveau ». « Les médias sont le virus ». Etc.
Le vrai problème social et politique est que ce mouvement, aussi minoritaire soit-il, fait déjà du dommage. Il désinforme la population. Il nourrit la stigmatisation de certains enfants pour leur identité de genre.
Il dédouane des premiers ministres canadiens de la même eau, dont Blaine Higgs du Nouveau-Brunswick et Scott Moe de la Saskatchewan, pour élargir le contrôle parental dans les écoles.
Il donne aussi de la visibilité à des leaders libertariens dont le discours reflète celui de 1 Million March 4 Children, dont Maxime Bernier et Éric Duhaime. Bref, on n’est pas sortis de l’auberge.
D’où la sagesse du gouvernement Legault. Son choix d’un comité de sages nous évitera une commission parlementaire. Laquelle, c’est certain, aurait donné une tribune aux émules du mouvement 1 Million March 4 Children.