Vous pourriez gagner (beaucoup) plus cher avec un DEP qu’en allant à l’université
Une trentaine de formations mènent à des salaires supérieurs à la moyenne, révèle un nouveau classement


Daphnée Dion-Viens
Pas besoin d’aller au cégep ou à l’université pour faire un métier payant. Un tout nouveau classement élaboré par Le Journal révèle qu’une trentaine de formations professionnelles mènent à des emplois permettant de gagner plus que le salaire moyen au Québec, et ce, dès l’obtention du diplôme.
Extraction de minerai, mécanique industrielle, pose d’armature de béton, conduite d’engins de chantier et montage de lignes électriques: voici quelques exemples de formations offrant un salaire annuel moyen de plus de 67 000$ dès la fin des études, soit beaucoup plus que pour plusieurs diplômés du cégep ou de l’université.

Ce palmarès inédit repose sur les plus récentes statistiques, tirées d’une enquête menée par le ministère de l’Éducation en 2019 auprès des diplômés de tous les programmes de formation professionnelle (FP).
La paye, ça compte...
Ces données sont intéressantes puisque le salaire fait partie de l’équation lorsque vient le temps de choisir ces programmes, concède Chantale Beaucher, directrice de l’Observatoire de la formation professionnelle à l’Université de Sherbrooke.

«C’est sûr que c’est un élément qui compte. C’est associé étroitement à l’idée d’améliorer ses conditions», surtout auprès des adultes qui font une réorientation de carrière, souligne-t-elle.
... le mode de vie aussi
Mais le chèque de paye ne peut être la seule raison, affirment aussi plusieurs intervenants.
Au Centre de formation professionnelle (CFP) de Val-d’Or, plusieurs programmes liés à l’industrie minière donnent accès aux métiers les plus payants, mais le chèque de paye n’est pas utilisé comme argument de vente.
«Si l’argent est la seule raison, l’élève ne terminera pas sa formation», affirme son coordonnateur aux communications, Mathieu Ouellet.
Il faut avoir de l’intérêt pour le métier et pour le mode de vie qui y est rattaché, dit-il.
C’est d’ailleurs ce qui a permis à des diplômés de bien tirer leur épingle du jeu dans leur domaine, alors que des programmes de formation professionnelle ont littéralement changé leur vie.
Pénurie de main-d’oeuvre
Avec la pénurie de main-d’œuvre qui frappe présentement, les diplômés de la FP sont par ailleurs plus demandés que jamais.
«Il manque énormément de travailleurs spécialisés un peu partout», fait remarquer Jean-Rock Gaudreault, directeur général de Compétences Québec, un organisme qui fait la promotion des métiers et programmes de la formation professionnelle et technique.
Les employeurs doivent d’ailleurs jouer du coude pour les attirer, en bonifiant leurs conditions de travail ou en rivalisant grâce à d’autres avantages.
Au Centre de formation professionnelle de Québec, par exemple, les enseignants du programme de mécanique de machinerie fixe ont reçu cette année 40 offres d’emploi pour 14 finissants.

La pénurie a toutefois aussi ses effets pervers: après avoir connu un petit boum au cœur de la pandémie, les inscriptions sont maintenant en baisse dans plusieurs programmes, où le taux d’abandon a grimpé.
Plusieurs avantages
La formation professionnelle comporte néanmoins plusieurs avantages, souligne Jean-Rock Gaudreault: ses programmes sont courts, variant habituellement de six mois à deux ans, et certains peuvent être suivis à un rythme individualisé ou encore en alternance travail-études.
Or cette avenue gagnerait à être mieux connue, puisque plusieurs jeunes n’entendent jamais parler de la formation professionnelle lors de leur passage au secondaire, ajoute-t-il.
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Programmes payants, élèves absents
Des programmes de formation qui se retrouvent en tête de cette liste peinent à attirer des élèves. C’est notamment le cas du programme de pose d’armature du béton, offert seulement au Centre de formation des métiers de l’acier à Montréal. Cet automne, seulement 13 élèves y sont inscrits alors que la survie de la formation est menacée lorsqu'elle compte moins de 20 inscriptions.
«Ça n'augure pas très bien», se désole le directeur, Denis Ouellet, qui a de la difficulté à «remplir ses cohortes» depuis environ trois ans pour des raisons qu’il s’explique bien mal.
Certains centres de formation professionnelle font même du recrutement à l’international pour combler les places vacantes dans certains programmes.
Être payé pour étudier
En région, il est si difficile de recruter des élèves dans des programmes où les besoins sont grands que certains centres de formation professionnelle ont mis en place les grands moyens pour les attirer: ils paient leurs élèves pour étudier.
C’est notamment le cas en production animale au Centre Frère-Moffet, au Témiscamingue, où les élèves gagnent 15 000$ pendant leur formation d’une durée d’un an.
Cette rémunération a été rendue possible grâce à différentes subventions obtenues auprès de partenaires, explique la directrice Marie-Luce Bergeron. «C’est gagnant comme solution», lance-t-elle.
Dans d’autres centres, les stages rémunérés sont de plus en plus fréquents puisque les employeurs veulent les attirer pour les embaucher par la suite.
Des métiers si payants qu’il est difficile de recruter des profs
Dans certains centres de formation professionnelle, la formation offerte mène à des métiers tellement payants que le recrutement d’enseignants représente tout un casse-tête.
C’est le cas notamment dans plusieurs formations en construction et au Centre de formation professionnelle de Val d’Or, dans les programmes du secteur des mines et des travaux de chantier, où plusieurs professeurs sont des retraités de l’industrie minière.