Funérailles de Jean Lapointe : mais qui donc juge nos héros ?


Rémi Nadeau
Il n’y aura pas de funérailles nationales pour Jean Lapointe. On ne peut faire autrement que froncer les sourcils d’incompréhension quand on compare sa carrière et son implication avec celles d’autres personnalités ayant eu droit à cet honneur. Sur quoi est basée cette décision ? C’est un mystère complet. Et ce n’est pas normal.
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Sur une note personnelle, j’ai grandi en regardant ma mère chantonner les refrains de C’est dans les chansons et autres Si on chantait ensemble, comme si ces mélodies et ces paroles avaient un effet réconfortant, après les journées de labeur.
Les mots de Lapointe étaient beaux, tendres et tellement rassembleurs.
Sa musique et sa poésie ont touché le cœur des gens ordinaires et ont embelli leur quotidien.
Humble, grand comédien et aussi sénateur, il a ouvert ses bras en aidant bien d’autres Québécois aux prises avec l’alcoolisme à travers la maison et la fondation qui portent son nom.
Parmi ceux qui ont eu droit à des funérailles nationales, il y a de grands sportifs comme Maurice Richard, mais aussi le cinéaste Gilles Carles et l’imprésario René Angélil.
Dans le cas du gérant de Céline Dion, la décision de lui rendre les grands honneurs en 2016 a même forcé le premier ministre Philippe Couillard à interrompre une mission à l’étranger.
Le PM était rentré de Davos en Suisse, dans un vol aller-retour à Montréal, avant de poursuivre sa mission en Italie.
M. Angélil, sans aucun doute, a fait rayonner une grande interprète québécoise à travers le monde.
Comparaison
Mais inévitablement, on se demande, pourquoi pas Jean Lapointe ? Quels sont les critères du gouvernement ?
Et c’est là que le bât blesse.
Même le ministre de la Culture, Mathieu Lacombe, ne le sait pas.
La décision est prise par le Protocole, une division du ministère des Relations internationales (MRI).
On ne peut pas dire que les fonctionnaires ont été pris par surprise.
La famille de M. Lapointe avait signalé au gouvernement qu’il était entré en soins palliatifs et que son décès était imminent, une dizaine de jours auparavant.
Le Journal a demandé cette semaine au ministère à deux reprises, sans succès, quels étaient les critères.
Seule réponse vague : l’analyse est basée sur les précédents qui existent depuis 1996.
Certains se demandent si la proximité avec les funérailles nationales de Guy Lafleur, survenues il y a sept mois, n’a pas joué en défaveur de l’illustre chanteur et comédien.
Comme s’il fallait que ce soit un honneur rarissime.
Le mystère du Protocole
Qui donc délibère, puis tranche ? Un comité ? Formé de qui ?
Le Protocole, se contente de dire le MRI.
Il s’agit d’une des cinq divisions du ministère.
Dans l’organigramme, on y voit le nom de Geneviève Lebel, responsable par intérim du Cérémonial d’État et des visites officielles. Ses expériences de travail sont plutôt concentrées dans les relations médias.
Diane Thibault serait entrée en poste lundi dernier.
Le sous-ministre adjoint et chef du Protocole, Dominic Marcotte, a pour sa part travaillé à la délégation de Tokyo et au bureau du Québec à Mumbai, notamment.
Bien sûr, la tenue de funérailles nationales n’est pas la seule façon de récompenser nos géants.
M. Lapointe a reçu l’Ordre national du Québec en 2006. Le MRI accorde présentement un soutien organisationnel à la famille en vue des obsèques, et d’une chapelle ardente.
Il ne s’agit quand même pas de la même faveur, alors que les funérailles nationales sont à la charge financière de l’État et permettent à un grand nombre de Québécois de rendre hommage au disparu.
Les décisions prises à cet égard demeureront subjectives et discutables. Elles ne doivent pas être politiques.
Par contre, les Québécois ont droit de savoir sur quels critères l’ultime honneur est accordé.
C’est de leurs héros qu’il s’agit.