Freinée par la protection du caribou: Damabois ferme une deuxième usine en deux mois


Louis Deschênes
Une entreprise de transformation de bois de l’est du Québec ferme une deuxième usine en deux mois en raison des mesures de protection du caribou en vigueur en Haute-Gaspésie.
L’usine Damabois est forcée de mettre la clé sous la porte dans ses installations de Saint-Jean-Port-Joli, envoyant ainsi au chômage 11 employés.
En mars, l’entreprise annonçait la fermeture de son usine de sciage Bois Chic-Chocs de Cap-Chat pour une durée indéterminée, entraînant le licenciement de 18 travailleurs. En 2021, les propriétaires avaient pourtant investi 30 M$ pour moderniser les installations, en Haute-Gaspésie.
Le directeur de l’approvisionnement de Damabois admet que cette nouvelle fermeture passe de travers, alors que les dirigeants ont dû annoncer la mauvaise nouvelle à leurs travailleurs mercredi.
«C’est ce qui est le plus dur. [...] Ce sont des familles qui sont affectées», confie Harold Truchon au Journal.

Le problème
Les mesures intérimaires de protection du caribou en vigueur depuis 2019 dans la région de la Haute-Gaspésie, de même que le projet pilote pour la population de caribous montagnards de la Gaspésie déposé en avril 2024 par le gouvernement freinent les opérations de l’entreprise.
«Cette situation-là [les fermetures] a été créée par le gouvernement», lance sans détour M. Truchon.
Depuis mai 2023, aucune récolte ne peut ainsi être effectuée dans 90 % du territoire d’approvisionnement traditionnel de Damabois, qui doit maintenant parcourir plus de 200 km pour récolter sa matière première.
Le bois récolté en Haute-Gaspésie permettait de faire fonctionner plusieurs autres usines de l’entreprise, comme celle de Saint-Jean-Port-Joli, spécialisée dans le planage, le rabotage et le séchage de bois d’œuvre brut.
«Si les usines de sciage de Damabois ne produisent plus, ses usines de transformation n’ont plus de bois à transformer », explique Harold Truchon.
Aucune aide
L’entreprise qui emploie près de 250 personnes dans son réseau de 11 usines au Québec, au Nouveau-Brunswick et dans le nord-est des États-Unis n’a reçu aucune compensation du gouvernement pour ses pertes.
«Nous avons été abandonnés, dénonce M. Truchon. Il faut quelque chose de concret sur la table pour rendre viable l’usine de Cap-Chat.»
Ainsi, il interpelle le premier ministre, François Legault, le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, et la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina.
L’étape des échanges avec les fonctionnaires est révolue, soutient Harold Truchon, qui souhaite une rencontre avec les intervenants politiques assignés au dossier.
«On est rendus à passer à l’action. [...] On a à peine été consultés. On n’a pas eu de retour, ça fait deux ans que ce dossier-là traîne», dit-il.
La ministre Maïté Blanchette Vézina se dit de tout cœur avec les travailleurs touchés par ces fermetures.
«Mes équipes demeurent en contact avec les dirigeants de Damabois afin de mettre en place les conditions gagnantes pour la reprise de leurs activités», indique-t-elle dans un échange courriel avec Le Journal.
Le dossier a rebondi à Québec mercredi lors de l’étude des crédits budgétaires via le député de Matane-Matapédia Pascal Bérubé.
«Domtar qui appartient à des intérêts de l'Indonésie et de la Chine va rencontrer le premier ministre, je pense que Damabois peut rencontrer la ministre, si on suit la même logique», a lancé M. Bérubé à la ministre.
«Je n'ai jamais de problème à rencontrer les gens de ma région»,a répliqué Mme Blanchette-Vézina sans donner d'échéance.
À la fin mars, des élus municipaux et le milieu socio-économique de la Haute-Gaspésie ont parlé d’une seule voix pour dénoncer les mesures de protection du caribou ciblant uniquement cette région.
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