Émeutes en France: des rassemblements devant les mairies pour dire «ça suffit», une accalmie se dessine
AFP
Des rassemblements «civiques» se sont tenus lundi devant de nombreuses mairies en France pour dire «ça suffit» à la vague de violences urbaines entamée mardi, toutefois en nette décrue la nuit dernière.
Dimanche, l'Association des maires de France (AMF) avait appelé à «une mobilisation civique pour un retour à l'ordre républicain», quelques heures après une violente attaque à la voiture-bélier ayant visé le domicile du maire de L'Haÿ-les-Roses, Vincent Jeanbrun, en région parisienne et causé une indignation générale.
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Dans cette commune au sud de Paris lundi, un millier d'habitants accompagnés d'élus ont défilé autour de l'hôtel de ville. «C'est la démocratie elle-même qui est attaquée», a estimé M. Jeanbrun devant sa mairie, avant de lancer: «Stop, ça suffit!»
Acclamé par la foule, l'élu marchant derrière une banderole «Ensemble pour la République!» était encadré en tête de cortège des ténors de son parti d'opposition de droite, Les républicains, dont la présidente de la région Île-de-France Valérie Pécresse.
Des émeutes nocturnes ont éclaté le 27 juin, jour de la mort de Nahel, un adolescent de 17 ans tué d'un tir à bout portant par un motard de la police, lors d'un contrôle routier à Nanterre (ouest de Paris). La scène a été capturée par une vidéo amateur.
Recherché depuis le drame, un passager de la voiture conduite par Nahel – le troisième occupant du véhicule – s'est rendu lundi à la police.
Après cinq nuits de violences urbaines, celle de dimanche à lundi a marqué une accalmie, avec un nombre d'interpellations (157 contre plus de 1300 dans la nuit de vendredi à samedi) et d'incendies en nette baisse, et sans incident majeur signalé.
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Signe d'une tension toujours vive, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé lundi la reconduction de l'important dispositif de sécurité, avec 45 000 policiers et gendarmes mobilisés sur tout le territoire depuis vendredi.
Le président Emmanuel Macron lui a demandé de maintenir une «présence massive» sur le terrain pour garantir le «retour au calme».
Le chef de l'État, qui a annulé ce week-end une visite en Allemagne, doit recevoir les présidents des deux chambres du Parlement lundi, puis les maires de plus de 220 communes ciblées par des violences mardi.
Selon ses services, il souhaite que soit mené «un travail minutieux (...) pour comprendre en profondeur les raisons qui ont conduit à ces événements» dans lesquels de très jeunes adolescents sont impliqués.
La moyenne d'âge des personnes interpellées est de 17 ans, avec parfois des adolescents de 12-13 ans, selon les autorités.
Soixante pour cent des personnes interpellées entre mardi et dimanche n'étaient pas connues de la police.
La première ministre Elisabeth Borne recevra lundi après-midi les représentants des groupes politiques au Parlement.
- Écoutez l'entrevue avec le journaliste français Téo Schumer via QUB radio :
Dimanche, elle a assuré que le gouvernement ne laisserait «passer aucune violence» et promis «la plus grande fermeté» après l'attaque visant M. Jeanbrun.
Une enquête a été ouverte pour «tentative d'assassinat».
Dans le centre-est du pays, la municipalité de la petite ville de Charly a de son côté rapporté qu'un dispositif destiné «sans ambiguïté» à provoquer un feu avait été retrouvé dimanche au domicile du maire.
Lundi, élus, employés de mairie et citoyens se sont rassemblés par petits groupes partout en France: 100 personnes à Nanterre, 200 à Toulouse (sud-ouest), 300 à Brest (nord-ouest) ou Mons-en-Baroeul (Nord).

«Depuis mardi, les nuits ont été difficiles pour les habitants (...). Les violences qui se sont succédé sont inacceptables», a lancé lundi le maire de Nanterre, Patrick Jarry.
«Le temps est à l'apaisement», a-t-il insisté en saluant un appel au calme dimanche de la grand-mère de Nahel, Nadia, qui a exhorté les émeutiers à ne pas casser «les vitrines», «les écoles», «les bus».
Elle a aussi demandé que l'auteur du tir mortel – inculpé pour homicide volontaire et écroué – paie pour son geste «comme tout le monde», en assurant avoir «confiance en la justice».
Pour soutenir ce policier, «qui a fait son travail et paie aujourd'hui le prix fort», une cagnotte a été lancée en ligne par une personnalité d'extrême droite, Jean Messiha, provoquant l'indignation à gauche. Elle recueillait lundi plus d'un million d'euros.
Scrutée à l'étranger, cette vague de violences et la colère de nombreux jeunes habitants des quartiers populaires rappellent les émeutes qui ont secoué la France pendant trois semaines en 2005, après la mort de deux adolescents poursuivis par la police.

De son côté, la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castera a assuré lundi que la «sécurisation des infrastructures» des JO-2024 à Paris a été «légèrement renforcée». Et la Mairie de Paris, bien que «préoccupée» par les violences urbaines, a assuré ne pas avoir «d'inquiétude» quant à d'éventuelles répercussions sur les JO.
Parallèlement, le président du Congrès du Conseil de l'Europe, Leendert Verbeek, a condamné lundi «l'intensification et la multiplication inquiétante de violences, agressions et menaces» envers les élus locaux ces derniers jours en France.