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Culture

France Castel nous accorde une ultime grande entrevue

Dominic Gouin / TVA Publications
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Michèle Lemieux

2024-09-12T10:00:00Z
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Le 31 août, France Castel franchissait le cap des 80 ans. Pour celle dont la vie est aussi captivante qu’un roman, c’était l’occasion de célébrer avec ses proches ce qu’elle appelle ses «funérailles vivantes». On a eu l’occasion d’en discuter au cours d’une ultime entrevue. Cette grande dame aborde sa gratitude envers la vie, sa quête d’équilibre et ses petits bonheurs au quotidien, dont celui de vivre aux côtés de son conjoint, Chawky Bichara, depuis maintenant 25 ans.

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France, vous nous accordez aujourd’hui votre dernière entrevue. Pourquoi avoir pris cette décision?

Je suis fatiguée, tannée de radoter. J’ai accepté cette entrevue parce que j’ai 80 ans. Depuis trois ou quatre ans, beaucoup de personnes sont décédées autour de moi. Sans préavis. Je suis allée à des funérailles, dont celles de Jean-Pierre (Ferland). Comme j’ai l’habitude de célébrer mes changements de décennie, nous avons fait une fête pour mes 80 ans. Je l’ai appelée mes «funérailles vivantes».

Pourquoi dites-vous cela?

Je ne veux pas de funérailles. Je suis encore en santé, je suis capable de reconnaître tout le monde, de danser, de célébrer et de manger avec eux. Je veux les voir de mon vivant. Quand je mourrai — et on ne connaît jamais le moment où ça se produira —, mes proches feront ce dont ils ont besoin pour eux. Mais moi, personnellement, j’ai décidé que mon 80e anniversaire serait à la fois mon party de fête et de funérailles. 

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C’est un point de vue surprenant, quand même! 

Oui, mais c’est un beau point de vue. Il y a tellement de personnes qui sont parties à l’improviste. Dans 10 ans, je ne reconnaîtrai peut-être plus les gens. Je ne voudrai plus être photographiée. J’ai d’ailleurs dit au photographe de se payer la traite, car ce sont mes dernières photos professionnelles.

Pourtant, si vous faites la une de notre magazine à 80 ans, c’est nécessairement parce que vous inspirez beaucoup de gens...

C’est vrai, mais je ne veux pas que ça devienne une job pour moi. Je vois mon corps, mes taches (elle montre ses mains). Je suis chanceuse, je ne me plains pas, mais je vois que je vieillis. Je dois l’accepter. Je vais continuer de rayonner à travers des personnages quand il le faut, mais je ne ferai plus de scène, de tournée, de séance photo ou de une de magazine.

Pourtant, il faut montrer la vieillesse, car elle nous concerne tous.

Oui, mais ça ne va pas s’arranger... Notre belle Janette (Bertrand), par exemple, continue. Elle est en pleine forme. Je ne m’en cache pas: je n’ai rien de retouché ou de refait. Je suis chanceuse. Je marche une bonne heure par jour, je prends soin de ma santé. Je suis avec mon beau Chawky depuis 25 ans. Nous vieillissons bien ensemble.

Dominic Gouin / TVA Publications
Dominic Gouin / TVA Publications

Ça, c’est un grand cadeau!

Oui, c’est un cadeau de la vie. Je n’aimerais pas vieillir toute seule, et lui non plus. Nous nous accompagnons. En vieillissant, on a moins d’attentes, moins de revendications. Il ne changera pas et moi non plus! (rires) Je me trouve chanceuse de ne pas vieillir seule.

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Avec le temps, avez-vous appris à apprécier le quotidien dans votre relation?

Pour moi, c’est l’un des plus gros travaux de ma vie. Je suis une passionnée, une personne intense. Je vibre fort! J’ai dû m’adapter à mon conjoint, qui est le contraire de moi. C’est un homme paisible. Tout cela fait qu’on s’équilibre. Mais pour moi, ç’a été un deuil. C’est avec lui que j’ai appris qu’après la passion, il y a l’amour. Et que l’amour se transforme.

Est-ce réconfortant de faire encore des projets à deux?

Oui, et nous nous amusons. Parfois, nous chantons ensemble. Ça nous est arrivé d’aller dans des résidences privées pour aînés et de chanter ensemble. Sans pression, juste pour nous. Nous jouons à des jeux. Nous sommes encore bien à la campagne, mais nous nous demandons si nous allons pouvoir y vivre encore longtemps. Ce sont des questions qu’on se pose avec le temps.

Parfois, il faut prendre des décisions préventives.

Oui. Nous en discutons pendant que nous sommes encore capables de faire des choix et de déménager. Vieillir avec lucidité, c’est intense. Il ne faut pas le faire dans le déni, la peur, l’irréparable... C’est un travail sur soi.

J’imagine qu’on travaille sur soi jusqu’au dernier jour de sa vie?

Oui. Je crois que lorsque nous n’avons plus rien à travailler, c’est là qu’on s’éteint...

Alors vous vieillissez paisiblement, dans l’acceptation?

Dans l’acceptation, oui, mais pas toujours paisiblement... Tous les jours, j’accepte à nouveau. Je suis reconnaissante d’être en santé. J’ai 80 ans. Il pourrait m’arriver n’importe quoi, comme c’est arrivé à ma soeur, et ce, rapidement... C’est pour cette raison que j’ai célébré mes funérailles le même jour que mes 80 ans.

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Considérez-vous que c’est un privilège d’avoir 80 ans après avoir vécu une vie aussi mouvementée?

J’ai toujours pensé que j’allais mourir à 55 ans. J’étais petite et je priais le bon Dieu pour lui demander de mourir vieille. Pour moi, être vieille, c’était avoir 50 ans... Normalement, je ne devrais plus être vivante, mais je le suis. Je suis contente de rayonner. Je fais en sorte de vieillir différemment, en restant alerte, en poursuivant mon métier. Mais je dois faire preuve de discernement, doser mes choix.

Dominic Gouin / TVA Publications
Dominic Gouin / TVA Publications

Vous vous concentrez plus sur ce qu’il vous reste que sur ce que vous avez perdu!

C’est ça! Ce qui nous reste, c’est le moment présent. Aujourd’hui, durant la séance photo, j’étais jeune, je n’avais pas d’âge. Je me suis amusée. J’étais consciente de tout ce qui se passait. J’étais attentive au moment présent. Pour moi, c’est la seule chose sur laquelle nous pouvons compter: le moment présent. Si je regarde devant, il en reste moins que derrière... J’éprouve de la gratitude et je célèbre tous les jours.

Dans le moment présent, on échappe à la nostalgie d’hier et à l’inquiétude de demain.

Oui, on échappe à bien des choses. C’est possible d’être anxieux dans le moment présent, mais il faut l’accepter et c’est ce qui fait en sorte que ça passe. On peut se dire que c’est plate, qu’il ne reste plus grand temps... On peut avoir peur d’être malade, s’inquiéter d’un mal de tête. On peut se laisser happer par un million de peurs. Il faut les reconnaître et essayer de garder confiance.

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Puisque vous avez vécu tellement intensément, j’imagine que vous n’avez aucun regret?

Je n’ai pas de regret en ce qui concerne l’intensité de ma vie, mais j’ai des regrets en lien avec certaines choses... Parfois, je me demande pourquoi je ne veux plus voyager. Je ne suis pas bien, en avion... J’en conclus qu’on n’a pas besoin de se dépasser en tout. Je n’ai pas assez envie d’aller «quelque part», de me forcer à me dépasser. Ça fait partie de la sagesse. J’aurais tellement aimé aussi offrir une famille fonctionnelle à mes enfants. Est-ce un regret? Une peine? Est-ce que je m’attarde à ça? Est-ce que je me rentre dedans? Non. J’ai fait ce que j’ai pu, avec tout l’amour que j’ai pour mes enfants, et ils le savent.

Pour lire l'entrevue complète, vous pouvez vous procurer le magazine La semaine, en kiosque et en ligne.

Nos remerciements à l’Hôtel 10 à Montréal, où a eu lieu la séance photo. Pour voir France Castel dans STAT, on écoute la série à Radio-Canada du lundi au jeudi à 19h, alors que L’île Kilucru est disponible à telequebec.tv. Pour le spectacle France Beaudoin avec l’OSM en direct de la Maison symphonique: osm.ca.

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