France: au procès en appel des viols de Mazan, Gisèle Pelicot face à un accusé qui conteste toujours

AFP
Un an après le procès en France des viols de Mazan, qui a retenti dans le monde entier, Gisèle Pelicot est à nouveau confrontée depuis lundi à Nîmes (sud) à un de ses agresseurs présumés, le seul à avoir maintenu son appel contre sa condamnation.
Dans une veste rose, soutenue par l'un de ses fils, elle est arrivée souriante au tribunal, sous les applaudissements, mais sans faire de déclaration.
Cette mère de famille avait été violée pendant une dizaine d'années chez elle par des dizaines d'inconnus à l'instigation de son mari, qui la droguait préalablement.
Cinquante et un accusés avaient été jugés en première instance lors d'un procès fleuve où de lourdes peines avaient été prononcées. La décision de Mme Pelicot de témoigner à visage découvert avait fait d'elle une icône féministe à travers le monde.
Condamné en première instance à neuf ans de prison, l'accusé ayant maintenu son appel, Husamettin Dogan, un ex-ouvrier du bâtiment de 44 ans qui comparaît libre, notamment pour raisons de santé, encourt à nouveau 20 ans de réclusion.
Lundi, il est entré au tribunal le visage dissimulé derrière une casquette, un masque et des lunettes, marchant en s'appuyant sur une béquille.
La pression sur lui est forte car, à l'inverse du premier procès, il concentre sur lui seul l'intérêt médiatique.
«Je n'ai jamais voulu violer cette dame», a-t-il déclaré d'emblée. «Je n'ai jamais su qu'elle était droguée, il ne m'a jamais dit ça son mari».
- «Vous l'avez pénétrée, mais personne ne vous a dit qu'elle était inconsciente ?», l'interroge le président de la cour.
«Je l'ai appris en garde à vue», assure l'accusé.
Devant le palais, des soutiens à Gisèle Pelicot brandissaient des pancartes comme «Ras le viol» ou «Violeurs, la honte».
«Nous sommes là pour soutenir Gisèle Pelicot, qui est la victime de ce procès, mais également montrer que les associations féministes, les femmes, qui, je le rappelle, sont 52% de l'électorat français, se battent pour leurs droits», explique à l'AFP Vigdis Morisse-Herrera.
«Nouvelle vie»
Plus de 100 journalistes du monde entier sont à nouveau accrédités pour ce procès.
L'accusé est jugé pour des «viols aggravés» sur Mme Pelicot, la nuit du 28 juin 2019 au domicile du couple à Mazan, dans le sud de la France.
Selon un de ses avocats, il pensait participer à une soirée libertine consentie et s'est fait «piéger» par l'époux, Dominique Pelicot, dont la victime a divorcé depuis.
Reconnu comme étant le «chef d'orchestre» des viols, Dominique Pelicot avait été condamné l'an dernier à 20 ans de prison, et n'a pas fait appel. Après avoir été au centre du premier procès, il comparaîtra en tant que témoin mardi après-midi.
Gisèle Pelicot, 72 ans, «aurait vraiment préféré se concentrer sur sa nouvelle vie et sur son avenir. Mais elle doit en passer par là parce que c'est la condition pour vraiment tourner la page. Donc elle y va et elle est combative», a assuré à l'AFP l'un de ses avocats, Antoine Camus.
À la différence du premier procès, on sera cette fois, comme c'est le plus fréquent, dans «une configuration où une victime seule fait face à son violeur seul», relève-t-il.
Gisèle Pelicot avait été érigée en icône féministe il y a un an pour avoir clamé que «la honte doit changer de camp», refusant que le procès en première instance se déroule à huis clos. Un geste éminemment politique «pour que toutes les femmes victimes de viol se disent ‘’Madame Pelicot l'a fait, on peut le faire’’», selon Me Camus.
L'accusé sera confronté de nouveau aux vidéos des faits, filmés et méticuleusement archivés par Dominique Pelicot, sur lesquelles on le voit notamment pénétrer à plusieurs reprises la victime, endormie et ronflant.
Gisèle Pelicot a donné son accord pour qu'elles soient diffusées à l'audience sans huis clos, à condition de laisser le temps à son fils de sortir. «Demain, s'il y a un public jeune ou émotif, je leur demanderai de quitter la salle», a fait savoir le président Christian Pasta.