Publicité
L'article provient de Le Journal de Montréal
Monde

Pédocriminalité: un rapport d'enquête accable l'Église de France

Partager

Karine PERRET | AFP

2021-10-05T08:50:02Z
2021-10-05T11:56:08Z
Partager

PARIS, France | Déflagration pour l’Église catholique de France et au-delà : une commission indépendante, qui a enquêté sur l’ampleur de la pédocriminalité, a rendu mardi ses conclusions accablantes, estimant à 216 000 le nombre d’enfants et d’adolescents victimes de clercs et de religieux depuis 1950.

• À lire aussi: Les évêques du Canada verseront 30 M$ aux survivants des pensionnats autochtones

Si l’on ajoute les personnes agressées par des laïcs travaillant dans des institutions de l’Église (enseignants, surveillants, cadres de mouvements de jeunesse...), le nombre grimpe à 330 000, a indiqué son président, Jean-Marc Sauvé, en dévoilant les conclusions de la Commission indépendante sur les abus dans l’Église (Ciase).

« Ces nombres sont bien plus que préoccupants, ils sont accablants et ne peuvent en aucun cas rester sans suite », a déclaré M. Sauvé.

L’Église catholique a manifesté « jusqu’au début des années 2000 une indifférence profonde, et même cruelle à l’égard des victimes » de pédocriminalité, a-t-il dénoncé.

Le président de la Conférence des évêques de France, Eric de Moulins-Beaufort, a exprimé dans la foulée « sa honte », « son effroi » et a demandé « pardon ». La voix des victimes « nous bouleverse, leur nombre nous accable », a-t-il déclaré. 

Publicité
  • Écoutez l'entrevue de Richard Martineau avec Alain Pronkin, spécialiste des nouvelles religieuses, sur QUB radio:   

Véronique Margron, la présidente de la Corref (instituts et ordres religieux), a évoqué de son côté « un désastre » : « que dire, sinon éprouver (...) une honte charnelle, une honte absolue ».

Les garçons « représentent près de 80 % des victimes, avec une très forte concentration entre 10 et 13 ans », a relevé Jean-Marc Sauvé. Il avait auparavant révélé une « estimation minimale » du nombre de prédateurs : « 2900 à 3200 » hommes (prêtres ou religieux) entre 1950 et 2020.

Résultat de deux ans et demi de travaux, le rapport de la commission d’enquête était remis mardi à Paris à l’épiscopat français et aux ordres et congrégations religieuses, en présence de représentants d’associations de victimes.

« Vous apportez enfin aux victimes une reconnaissance institutionnelle de toute la responsabilité de l’Église, ce dont les évêques et le pape n’ont pas été capables à ce jour », a publiquement lancé François Devaux, cofondateur d’une association de victimes.

Dans un communiqué, un collectif d’associations a dit attendre désormais « des réponses claires et tangibles » de la part de l’institution religieuse.

Pour l’Église catholique, les conclusions de ce rapport s’apparentent à « une déflagration », avait anticipé auprès de l’AFP un membre de la Ciase, sous couvert d’anonymat. 

Publicité

« Historique »

« C’est historique, car on ne pourra plus nous dire qu’on salit l’Église, qu’il faut tourner la page », a confié à l’AFP une victime, Véronique Garnier, à l’issue de la conférence.

« C’est bien parce que ce rapport de la commission, c’est quelque chose de sérieux, qui officialise ce qui s’est passé. J’ai déjà reçu des messages d’insultes en disant qu’on avait tout inventé », a abondé Jean-René, membre d’un collectif de victimes de l’ouest de la France.

La Ciase, créée à l’automne 2018 et composée de 22 membres, bénévoles, aux compétences pluridisciplinaires, a fait de la parole des victimes « la matrice de son travail », selon M. Sauvé. 

D’abord avec un appel à témoignages, ouvert dix-sept mois, qui a recueilli 6500 appels ou contacts de victimes ou proches. Puis en procédant à 250 auditions longues ou entretiens de recherche. 

Elle a aussi effectué une plongée dans de nombreuses archives, de l’Église, des ministères de la Justice ou de l’Intérieur, de la presse...

Une fois le diagnostic posé, la commission a énuméré plusieurs dizaines de propositions dans plusieurs domaines : écoute des victimes, prévention, formation des prêtres et des religieux, droit canonique, transformation de la gouvernance de l’Eglise...

Jean-Marc Sauvé a appelé l’institution à apporter une « réparation » financière à toutes les victimes de violences sexuelles en son sein, souhaitant que cette indemnisation ne soit pas considérée comme « un don », mais « un dû ».

L’épiscopat avait pris des mesures au printemps, promettant non pas des réparations, mais un dispositif de « contributions » financières, versées aux victimes à partir de 2022, qui ne fait pas l’unanimité chez ces dernières ni chez les fidèles, lesquels sont appelés à contribuer aux dons.

Ce rapport sera examiné à la loupe à Rome par le pape François, qui a rencontré une partie des évêques français en septembre et a été confronté à ce dossier de la pédocriminalité dès le début de son pontificat.

À VOIR AUSSI...   

Publicité
Publicité