Français : mes oreilles saignent

Sophie Durocher
Oh que vous en avez long à dire sur la qualité du français parlé dans les médias !
Après ma chronique Baragouiner le français, j’ai reçu un abondant courrier de lecteurs qui avaient tous envie de dénoncer des mots, des tournures de phrase ou des expressions qui font « saigner leurs oreilles ».
J’aimerais suggérer aux directions de télé et de radio d’imprimer cette chronique pour que leurs animateurs, chroniqueurs arrêtent l’hémorragie.
AU SECOURS !
« Je crois qu’un des problèmes de la langue, au Québec, c’est qu’on parle anglais avec des mots français », m’a écrit un lecteur. Il a tellement raison.
Constamment exposés à l’anglais, nous finissons par structurer nos phrases en les calquant sur l’anglais et en traduisant littéralement des mots qui n’ont pas le même sens en français.
Pas étonnant qu’on trouve en première position, dans le palmarès des fautes qui vous irritent le plus : « adresser le problème », traduction bancale de « to address an issue ».
Mais il y a aussi « appliquer » au lieu de « postuler » ou « faire une demande » et l’utilisation de plus en plus répandue de « canceller » au lieu d’« annuler ».
Ça vous agace quand les journalistes, les animateurs, les chroniqueurs utilisent une forme passive, comme « Les témoins ont été rencontrés par la police » au lieu de « La police a rencontré les témoins ».
Un lecteur m’a raconté une anecdote rigolote qui date d’il y a quelques années. Alors qu’il était dans son auto avec sa famille, en train d’écouter les nouvelles, sa fille a sursauté quand elle a entendu une personne dire : « C’est pas nous qu’on peut ». La petite savait que c’était une faute, et qu’il aurait fallu dire « qui pouvons ».
« Je lui ai expliqué alors que c’était Mélanie Joly, ministre de la Culture et du Patrimoine qui s’exprimait ainsi ! » m’a raconté ce papa bien fier de sa fille.
Donc les politiciens se fourvoient... mais aussi les acteurs du milieu culturel. Une lectrice m’a dit avoir entendu récemment l’organisatrice d’un festival culturel déclarer : « ... pour savoir c’est quoi la technique qu’on a besoin ».
Ça vous énerve quand un professionnel des communications dit « Je me demande qu’est-ce que » au lieu de « Je me demande ce que ». Mais vos oreilles frisent aussi dès que vous entendez « malgré que » ou « aréoport » ou « des joueurs qui jousent ».
Quand vous entendez « un couple et leurs enfants » au lieu de « ses enfants », ça vous horripile !
Il faut aussi qu’on se parle du fameux « définitivement » utilisé dans le sens de « certainement ».
C’est un affreux anglicisme, mais hélas, on l’entend de plus en plus souvent à la télé (et pas seulement). Comme vous le savez, en français, « définitivement » signifie « pour toujours » ou encore « à jamais ». »
Je n’ai rien à rajouter. Ce lecteur a définitivement clos le dossier.
- Écoutez la rencontre Durocher-Dutrizac diffusée chaque jour en direct 12 h 45 via QUB radio :
NIVELER VERS LE BAS
À QUB radio, je côtoie de jeunes collègues brillants, issus du programme « Art et technologie des médias » du Cégep de Jonquière, qui s’expriment dans un excellent français.
Comme me le disaient hier Florence Lamoureux et Marianne Bessette : « C’est insultant pour les gens qui ont étudié trois ans en ATM et qui ont perfectionné leur français de voir des professionnels des médias abaisser leur niveau de langage pour paraître populaires ».
Le message est clair : arrêtez de casser votre français pour faire semblant que vous parlez « comme tout le monde ».
On s’attend à plus de votre part.