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L'article provient de TVA Nouvelles
Politique

Français et immigration: l’artificialisation d’un débat

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Félix Bhérer-Magnan, étudiant au doctorat en science politique

2022-06-16T10:25:31Z
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Le premier ministre François Legault a frappé un coup de circuit médiatique lors de son discours de clôture du congrès de la CAQ. Visiblement, le coup de circuit a été payant parce que le sujet est loin d’être clos et suscite un vif débat.  

Il affirmait que si rien n’est fait pour protéger la langue française et mieux contrôler l’immigration, le Québec risque de devenir une « Louisiane » où une infime proportion des individus de cet État américain parle français aujourd’hui. Il en va même de la « survie » de la nation québécoise. 

L’appel à l’émotion est soigneusement ficelé et il traduit nécessairement le thème que souhaite insuffler M. Legault dans la campagne électorale qui se profile à l’horizon. 

Division   

Dans ce même ordre d’idées, la CAQ fait de l’immigration un enjeu central des prochains mois en souhaitant obtenir un mandat fort pour exiger d’Ottawa davantage de pouvoirs dans la sélection des immigrants. Les réfugiés et les personnes issues de la réunification familiale seraient moins susceptibles de parler français à leur arrivée que celles choisies par le Québec. Or, ce débat mènera à une seule chose : la division. Les clivages seront renforcés : Francos contre Anglos. Québécois contre immigrants. Québec contre le reste du Canada. 

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Malheureusement, ce débat est faux. Les jeunes adultes comme moi ne voyons pas de menace au français même à Montréal. Le français est notre langue et nous l’utilisons fièrement tous les jours. Même à Montréal, près de 80 % des enfants anglophones sont en immersion française au primaire1. Je ne suis pas immigrant qui ne parle pas français me direz-vous, mais je suis l’un de ceux qui croit qu’il serait mieux d’intégrer plutôt que de diviser. Après tout, c’est une manœuvre plutôt électoraliste de mettre cet enjeu au centre du débat n’est-ce pas? 

1 Leduc. Louise. (2022, 9 juin). Les jeunes anglos plongent. La Presse.

En effet, je suis l’un de ceux qui croient sincèrement que les gens viendront au Québec pour adopter fièrement notre langue si nous leur donnons les moyens et les outils pour nous intégrer à notre culture, notre langue, notre mode de vie. 

Par exemple, la Nouvelle-Zélande offre plusieurs propositions aux personnes souhaitant améliorer ses habiletés en anglais, dont des ateliers de conversation en groupe, des cours et des opportunités de réseautage. Plusieurs activités se font déjà au Québec aussi, mais il s’agirait de mieux organiser les services. On pourrait certainement faire des efforts pour élargir la reconnaissance des diplômes aussi. 

Miser sur l’ouverture   

Pourquoi ne pas miser sur l’ouverture plutôt que sur la coercition et la fermeture à l’Autre? Pourquoi ne pas miser sur l’enrichissement culturel de la nation québécoise par ces gens qui choisissent le Québec comme terre d’accueil plutôt que sur la seule force de travail qu’ils représentent? Pourquoi ne pas se concentrer sur un accueil digne de mention pour ces gens qui laissent tout pour démarrer une vie nouvelle ici au Québec plutôt qu’ailleurs? Il s’agit de leur dire merci de choisir le Québec et d’en être fier plutôt que de les voir comme une menace à notre existence. Il est temps de regarder plus loin que notre nombril et d’arrêter de jouer à la victime en raison de notre statut minoritaire. 

Environnement et changements climatiques   

Plutôt que de s’empêtrer dans ce débat artificiel sur la place de l’Autre chez nous icitte, il serait grand temps de discuter du vrai problème qui nous guette, dont la jeune génération, et qui met en danger la survie de tous les citoyens de la planète, pas seulement ceux de la Louisiane : l’environnement et la lutte aux changements climatiques. En plus, le ministre de l’Environnement reconnait déjà que l’adaptation aux impacts de la crise climatique coûtera cher. Il vaut mieux prévenir que guérir et c’est la même chose quant à la « survie » de notre nation. 

Photo courtoisie
Photo courtoisie

Félix Bhérer-Magnan, Étudiant au doctorat en science politique, Université Laval Québec

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