Fonction publique: un grand ménage s'impose
Le prochain gouvernement devra mettre la machine fédérale au régime et imposer une sérieuse réorganisation du travail

Anne Caroline Desplanques
OTTAWA | Comme le gouvernement conservateur de Brian Mulroney qui a pris les rênes de l’État après Pierre Elliott Trudeau, le prochain gouvernement, quel qu'il soit, devra mettre la machine fédérale au régime et imposer une sérieuse réorganisation du travail.
C’est ce qu’estime Paul Tellier qui a lui-même été grand patron de la fonction publique à titre de greffier du Conseil privé sous Brian Mulroney. Au terme de son mandat de huit ans, le gouvernement Mulroney avait réduit la taille de la fonction publique de dix pour cent.
«Je ne peux pas vous dire combien de gens il faudrait mettre dehors aujourd’hui, mais chose certaine, ça ne fonctionne pas dans l’état actuel», dit M.Tellier qui a aussi été sous-ministre sous Pierre Elliott Trudeau.

Lors d’une séance d’information, le 7 novembre, le gouvernement a annoncé aux syndicats qu’il comptait mettre la hache dans l’administration publique et irait au-delà des 5000 postes qu'il indiquait vouloir supprimer par attrition en avril. Le plan précis demeurerait cependant confidentiel jusqu’en juin 2025, indique l'Alliance de la fonction publique du Canada.
Le directeur parlementaire du budget, Yves Giroux, n'y croit pas: «C'est comme quelqu'un qui dit qu'il va se mettre au régime, c'est toujours pour demain. Avec ce gouvernement, c'est toujours pour l'année prochaine».
Le bureau de Trudeau en cause
De toute façon, réduire le nombre de fonctionnaires uniquement ne permettrait pas d'assurer une meilleure livraison des services, estime M.Tellier. Selon lui, les dysfonctionnements actuels sont surtout dus à la croissance exponentielle du personnel politique, en particulier au bureau du premier ministre, des individus qui filtrent tout et veulent donner leur approbation sur tout.
À cause d’eux, «la courroie de transmission entre ceux qui prennent les décisions et ceux qui ont la responsabilité de les mettre en œuvre, la fonction publique, est brisée et personne n’est imputable pour ça», critique M.Tellier.
Justin Trudeau a cependant dès son élection en 2015 pris la responsabilité de ce qui allait venir: «À titre de chef du gouvernement, le premier ministre est responsable du fonctionnement efficace de tout le gouvernement», écrivait son bureau dans une lettre aux ministres nouvellement en poste.
La productivité passe par les technologies

Pour Michael Wernick, également ex-greffier du Conseil privé, «rendre plus de services avec moins de fonctionnaires et augmenter le rendement, c’est possible, mais ça passe par les technologies». Ottawa ne l’a toutefois pas compris puisqu’il y a «une tendance lourde au sous-investissement dans les technologies», déplore l'ex-grand patron de la fonction publique.
Il y a un an, la vérificatrice générale Karen Hogan a prévenu que les deux tiers des logiciels utilisés par le gouvernement ont dépassé leur durée de vie utile et ont besoin d’être modernisés, sans quoi la fiabilité de plusieurs services essentiels est menacée.