«Flotte fantôme»: ce qu'il faut savoir de cette arme russe

AFP
Le pétrolier arraisonné au large de la Bretagne et visé mercredi par une enquête de la justice française appartient à la «flotte fantôme» russe, un ensemble de navires clandestins qui permettent à la Russie d'exporter son pétrole malgré les sanctions depuis l'invasion de l'Ukraine.
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Avec son 18e train de sanctions adopté en juillet, l'Union européenne considère que 444 bateaux en font partie. Le Royaume-Uni a pour sa part sanctionné environ 500 de ces bâtiments depuis février 2022. Les États-Unis en ciblent 183.
Qu'appelle-t-on une «flotte fantôme»?
Le gouvernement britannique qualifie de «flotte fantôme» les navires engagés dans des opérations illégales dans le but de contourner les sanctions, de se soustraire au respect des réglementations en matière de sécurité ou d'environnement, d'éviter les frais d'assurance ou de se livrer à d'autres activités illégales.

Ces «flottes de l'ombre» («shadow fleet» ou «dark fleet») existaient déjà avant la guerre en Ukraine, utilisées notamment par l'Iran et le Venezuela, deux pays sous sanctions pétrolières américaines, ou encore la Corée du Nord.
Néanmoins, depuis le début du conflit de grande envergure en Ukraine, il y a plus de trois ans et demi, la flotte fantôme à l'échelle mondiale, «qui auparavant transportait principalement des marchandises à destination et en provenance de l'Iran et du Venezuela, a explosé en taille», selon le groupe de réflexion américain Atlantic Council.

Ce dernier estime qu'environ 17% de tous les pétroliers font partie de cette flotte qui comprend aussi d'autres types de navires marchands.
Pourquoi la Russie l'utilise-t-elle ?
Embargo pétrolier, plafonnement du prix du brut russe, interdiction des services de transport pétrolier maritime : les sanctions contre la Russie visent la manne liée à la vente de son «or noir», vitale pour elle, notamment pour financer ses opérations militaires sur le territoire ukrainien.

Pour les contourner, elle a dû réduire sa dépendance à l'égard des services maritimes occidentaux et composer sa propre flotte en achetant indirectement des tankers, auxquels elle offre ses propres services d'assurance.
Pendant le mois d'août 2025, «400 navires ont exporté du pétrole brut et des produits pétroliers russes, dont 125 étaient des pétroliers fantômes. Trente-huit pétroliers fantômes avaient au moins 20 ans ou plus», selon le Centre de recherche sur l'énergie et l'air pur (CREA), qui a son siège à Helsinki.
Quels sont les risques ?
L'institut KSE met régulièrement en garde contre les «énormes risques environnementaux pour l'UE» que font peser ces navires vieillissants.

Le groupe de réflexion Atlantic Council avait estimé, début 2024, que les navires de plus de 20 ans devraient constituer 11% de la flotte mondiale de pétroliers en 2025, contre seulement 3% avant la guerre en Ukraine.
Ces vaisseaux fantômes ne disposent pas d'une assurance adéquate, appelée «P&I», pourtant obligatoire pour les navires commerciaux et destinée à couvrir des aléas allant des risques de guerre aux collisions ou aux dommages causés à l'environnement, comme les marées noires.
Quelque 90 à 95% du marché de l'assurance P&I sont entre les mains d'assureurs de l'Union européenne et du Royaume-Uni, qui appliquent donc les sanctions contre Moscou.
«Les autres types d’assurance – comme les schémas alternatifs proposés par les gouvernements russe et iranien – sont très insuffisants», souligne Elisabeth Braw, d'Atlantic Council.
Ces facteurs rendent notamment le travail à bord «extrêmement dangereux», avertit Mme Braw.