Fitzgibbon, nouveau «géant vert»


Antoine Robitaille
Le visage de François Legault s’est crispé de malaise hier, lorsque je lui ai demandé si Pierre Fitzgibbon était un nouveau « géant vert ».
Depuis mardi, le superministre (Énergie et développement économique entre autres) fracasse un tabou en disant que le Québec devra bientôt réduire la taille de son parc automobile.
Certes, à l’entrée du conseil des ministres hier, il apporta des nuances. Mardi, il avait évoqué une réduction de 50 % du fameux parc. Hier, il lançait : « Est-ce que c’est la moitié, est-ce que c’est 30 % ? »
Deuxième nuance : les autos des villes étaient visées, non celles des campagnes.
Troisième : pour réduire le nombre de véhicules, le gouvernement procédera avec la carotte et non le bâton.
Les mots ont-ils dépassé sa pensée ? « Non. Je dis toujours ce que je pense », a-t-il tonné.
Quelle carotte exactement ? Rien n’est clair, je vous l’accorde. Mais le franc-parler de M. Fitzgibbon permet de lancer un débat nécessaire. Il a raison de dire qu’avec les objectifs de carboneutralité d’ici 2050, « les gens intelligents » ont compris que le parc automobile ne pourrait plus augmenter à l’infini et devrait même décroître : « Il faut que les habitudes des consommateurs changent. »
Thérapie de conversion
M. Legault tenta malhabilement de relativiser les déclarations de son ministre. De façon peu crédible, il les a mises sur le compte de nombreuses lectures estivales de « rapports d’environnementalistes ».
À l’entendre, son ami Fitz aurait, pendant l’été, subi une sorte de thérapie de conversion écologiste. (Petite note au PM : ces dernières semaines, les innombrables feux de forêt, doublés des phénomènes météo extrêmes, ont sans doute eu plus d’effet de conversion sur tout un chacun que bien des rapports.)
Et « Géant vert » ? Legault affublait Philippe Couillard de ce sobriquet (notre caricaturiste Ygreck s’en était délecté) en 2015 et 2016. Rentrant alors de la conférence sur les changements climatiques à Paris, le chef libéral semblait sous l’effet d’une révélation. Il avait allègrement mis la hache dans les projets d’exploration d’hydrocarbure à Anticosti. Au grand dam d’un Legault, qui rêvait encore à l’époque d’exploiter « nos ressources ». Depuis il s’est totalement couillardisé en faisant adopter une loi pour interdire la chose.
Rebello
Fitzgibbon rappelle aussi un autre malaise caquiste plus ancien, mais révélateur. En 2012 : dans son cabinet fantôme, Legault nomme le transfuge péquiste François Rebello responsable de l’environnement et du développement économique. Ce dernier confie à ma collègue Geneviève Lajoie : « Un plan vert doit viser une voiture par famille, au lieu de deux ou trois. »
Dans les rangs caquistes, Gérard Deltell, « gars de char » assumé, s’enrage. Janvier Grondin conseille publiquement à Rebello de se la fermer.
Ce dernier obtempérera et quittera la CAQ après sa défaite en septembre 2012. Cohérent, il fait aujourd’hui la promotion du transport par train.
Gageons que Fitzgibbon ne subira le même type d’expulsion, même si à l’interne, « les gars et filles de chars » doivent être légion et influents. Qui sait, à ceux-là, le chef Legault se sentira peut-être obligé de rappeler que « le Québec est chanceux d’avoir un homme de la compétence » de Fitz.