Fini le jeu physique face à Trump dans les négociations commerciales

Guillaume St-Pierre – analyse
OTTAWA | Mark Carney a utilisé une analogie de hockey pour justifier qu’il baissait les coudes en abandonnant ses contre-tarifs dans ses négociations commerciales avec Donald Trump.
Dans un match, il faut savoir jouer physique au début pour passer un message, mais lorsqu’il est temps de marquer un but, il vaut mieux jouer de finesse.
Le temps est donc venu pour le Canada de sortir ses feintes du dimanche.
Reste à voir si Mark Carney saura la «mettre dedans».
Des reculs
L’abandon des contre-tarifs par le premier ministre signale un changement de cap majeur dans sa stratégie qui date de la campagne électorale.
Pour l’instant, il n’en paie pas le prix politique.
Sa volte-face est en bonne partie en accord avec le changement d’humeur des Canadiens, qui demeurent tout aussi en colère, mais réalistes dans les circonstances.
Un sondage Léger indiquait il y a six mois que 73% des Canadiens souhaitaient voir l’imposition de contre-tarifs «dollar pour dollar», une proportion qui a fondu à 45% selon le plus récent coup de sonde.
Il n’en demeure pas moins que beaucoup de spectateurs ont payé pour voir le Canada jeter les gants, pas pour faire dans la dentelle face à Trump.
Qui sait comment leur humeur de l’électorat évoluera au fil des prochaines semaines.
Rappelons que Mark Carney a lui-même contribué à faire grimper les attentes.
Le chef conservateur Pierre Poilievre a le beau jeu d’affirmer que le chef libéral ne tient pas ses promesses.
D’une entente possible en juin au G7, nous voilà allant plutôt de recul en recul, sans accord à l’horizon.
N’empêche, le Canada bénéficie effectivement d’un traitement préférentiel grâce à son traité de libre-échange avec les États-Unis, qui couvre la très vaste majorité de nos échanges commerciaux avec les Américains.
En ce sens, le réel danger pour l’économie canadienne consiste en la renégociation prévue l’année prochaine dudit traité de libre-échange.
Un retrait américain provoquerait des bouleversements qu’on peine à imaginer sur notre économie.
Et ce n'est peut-être pas tout
Le plus périlleux reste donc à venir.
L’abandon de l’essentiel des contre-tarifs – ils demeurent sur l’acier, l’aluminium et l’automobile – sera aussi applaudi par des entreprises d’ici qui ont vu leurs coûts augmenter.
Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, risque aussi de s’en réjouir discrètement, lui qui soulignait récemment que ces contre-tarifs étaient inflationnistes.
Le jeu physique, face à un adversaire faisant 10 fois sa taille, a en effet ses limites.
Mark Carney veut remettre les compteurs à zéro dans sa relation avec Donald Trump en démontrant sa bonne foi.
Certains y verront un aveu de faiblesse, d’autres une sage décision. Le Canada était l’un des très rares pays à avoir riposté avec des contre-tarifs.
La vérité se trouve possiblement entre les deux.
Depuis le début des négociations, le premier ministre se vante d’avoir un accès direct et privilégié au président.
Force est de constater que Tarifman s’avère être un adversaire plus coriace que prévu par Mark Carney.