Fin des Bourse Perspective Québec: étudier pour enseigner... et fréquenter les banques alimentaires


Shophika Vaithyanathasarma
NDLR. Une version précédente de ce texte a été initialement retirée, afin d’y apporter certaines modifications et précisions concernant l’Aide financière aux études.
La ministre Déry avait des «choix à faire».
Dès l’automne 2025, les étudiants qui s’inscrivent en enseignement n’auront plus droit à la Bourse Perspective Québec, une bourse incitative pouvant atteindre 20 000 $ sur quatre ans. Les futurs enseignants auront un prix de consolation : 3 900 $ pour le dernier stage obligatoire. Ce montant, en vigueur avant 2022, est exactement le même qu’en 2025. Rien n’a bougé. Pas un sou de plus, malgré l’inflation.
Comme le souligne Antoine Dervieux, président de la Fédération Étudiante Collégiale au Québec (FECQ), : « Lorsque les montants incitatifs deviennent une nécessité pour lutter contre la précarité, on a des questions à se poser. Le gouvernement a fait un choix clair — celui de ne pas faire de nouveaux investissements pour la population étudiante. »
Pour vous donner une idée, un étudiant en ingénierie peut faire des stages payés, accumuler de l’expérience et de l’argent. Alors que les futurs enseignants ne peuvent pas faire leurs stages l’été, et ils ne sont pas rémunérés. L’écart est frappant.
La ministre Déry a choisi. Elle recule sur l’idée de rémunérer les stages en enseignement, mais mise sur l’investissement dans les conventions collectives. C’est important, bien sûr. Des conditions de travail décentes, c’est essentiel. Mais encore faut-il qu’il y ait des enseignants entrent dans la profession!
À ceux qui pensent que les étudiants ont juste à se tourner vers l’aide financière aux études (AFE), c’est vrai que le dernier budget a prévu 225M$ pour l’AFE sur 5 ans. Mais...n’oublions pas qu’elle est conditionnelle au revenu parental. Surtout, ce n’est pas une vraie incitation, juste un minimum pour survivre aux études. Ce n’est pas ça qui va attirer les jeunes dans une profession déjà en crise. Décisions et système d’éducation fragilisés
« En cessant les investissements dans les baccalauréats et maîtrises, le gouvernement envoie le message que les programmes traditionnels avec stages ne sont plus une priorité », dénonce Geneviève Sirois, professeure en gestion scolaire.
Ce virage n’a rien d'innocent. Tout nous mène à croire que ce choix repose sur la logique comptable de la CAQ. Comme le souligne Mme Sirois, « Former plus vite, ça coûte moins cher à l’État. »
Rappelons-nous que ces programmes courts de DESS ne comportent ni stage obligatoire, ni test de français, un bacc et un contrat d’engagement suffit en guise de reconnaissance d’expérience.
Julie Desjardins, présidente de l’Association des doyens, doyennes et directeurs, directrices pour l’étude et la recherche en éducation au Québec (ADERQ), souligne le sentiment d’injustice vécu par les étudiants: « Ceux qui ont accès au DESS voient leurs études payées par les centres de services scolaires, alors que les étudiants au baccalauréat doivent eux assumer des stages non rémunérés.»
Est-ce normal qu’un étudiant en enseignement s’endette pour faire des stages non rémunérés, pendant qu’un autre, avec un bac dans un domaine sans lien direct, est payé pour retourner aux études et enseigner dans nos écoles?