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L'article provient de TVA Sports
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Filip Mesar: les dessous d'un réveil... que certains n'attendaient plus

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Photo portrait de Anthony Martineau

Anthony Martineau

2023-11-23T14:13:13Z
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Mai dernier. 

Jussi Ahokas, un entraîneur finlandais de 43 ans, passe du bon temps chez lui. Il vient de conclure sa 19e saison en tant qu’instructeur-chef. Toutes, sans exception, ont eu lieu chez lui, en Finlande.

Soudain, le téléphone sonne. Au bout du fil, une proposition qui changera complètement sa vie, mais aussi celle de sa femme et de ses trois enfants. 

«Les Rangers de Kitchener étaient à la recherche d’un entraîneur-chef», se souvient à voix haute le principal intéressé, en entrevue avec le TVASports.ca.  

«Je trouvais que c’était une belle opportunité. J’ai donc accepté.»

Ahokas est loin de le savoir à ce moment, mais cette décision, en plus des évidents impacts qu’elle aura sur sa famille, lui fera tomber entre les mains un défi bien précis, quelques mois plus tard. 

Un défi que plusieurs amateurs et experts de hockey montréalais qualifient de plus en plus de «périlleux» : relancer Filip Mesar, ce choix de première ronde (26e au total) du CH en 2022.

Loin d’être le dernier venu 

Le curriculum vitae de Jussi Ahokas est impressionnant. Au fil de son parcours entamé en 2004, le quadragénaire, en tant qu’entraîneur adjoint, a remporté la médaille de bronze au Championnat du monde de hockey à deux reprises (2008 et 2009). Il a aussi mis la main sur une médaille de bronze aux Jeux Olympiques de 2010 dans le rôle d’instructeur responsable des vidéos. 

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Puis, avec l’étiquette d’entraîneur-chef, Ahokas a gagné une médaille d’argent dans la défunte SM-liiga (U20) en 2013, une autre médaille d’argent au Championnat du monde U18 en 2015 et une médaille d’or à ce même Championnat du monde U18 en 2016. 

Il a enchaîné avec l’or au Championnat du monde junior de 2019 et a été nommé «Entraîneur de l’année» la saison suivante, dans la Liiga. 

Sa dernière réussite digne de mention remonte à la saison 2021-2022, quand il a aidé son équipe à rafler la médaille d’argent, toujours dans la Liiga. 

The Record
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Autrement dit, le nouvel entraîneur des Rangers de Kitchener, multiples distinctions à l’appui, est tout le contraire d’un pied de céleri. C'est d'ailleurs précédé de cette imposante liste de succès qu’il débarque à Kitchener pour la toute première fois de sa vie, au cours de l’été.  

«J’y ai loué une maison, explique Ahokas. Ma famille est venue me rejoindre en octobre. J’ai deux filles (17 ans et 15 ans) et un garçon de quatre ans. Je te mentirais si je te disais que l’adaptation est facile! Évidemment, les filles s’ennuient de leurs amies. Mais avec l’école qui a débuté récemment, elles ont rencontré de nouvelles personnes. Elles s’expriment bien en anglais. Tout ça aide un peu à rendre la transition plus douce.»

Octobre a donc été un gros mois pour l’instructeur de carrière. D’une part, il a été rejoint par ses proches, mais il a aussi appris, au niveau hockey, que son équipe aurait du renfort en attaque. 

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«Montréal a fait un très bon boulot»

Le 21 octobre, le Rocket de Laval décide en effet d’envoyer Filip Mesar à l’équipe de Kitchener. 

À ce moment, Mesar vient de connaître un camp très moyen avec le CH et a disputé deux matchs sans grande conviction avec son club-école.

L’attaquant droitier revient également d’une saison complète à Kitchener, où le climat, selon ce que l’auteur de ces lignes avait pu apprendre l’an dernier, était tout sauf agréable. 

Plusieurs s’attendent donc à voir le jeune homme prendre le chemin de l’OHL la mort dans l’âme. Mais c’est plutôt tout le contraire. 

«À son arrivée à Kitchener, Filip était dans un bon état d’esprit, affirme Ahokas. Je pense que Montréal a fait un très bon boulot pour le préparer convenablement à ce scénario. C’est important pour moi de le dire. Il était ouvert et m’a clairement signifié qu’il était là pour travailler et devenir meilleur. Honnêtement, c’est un petit gars très facile à diriger. Il a immédiatement acheté la culture que je souhaite implanter à Kitchener.»

Et en Mesar, Ahokas sait un peu de quel type de joueur il hérite, à ce moment. 

«J’avais déjà vu Filip en action lors du Championnat du monde junior. Je savais déjà comment il jouait, globalement. J’ai aussi eu l’occasion de le voir évoluer lors du tournoi des recrues de la LNH, à Buffalo. J’étais sur place.»  

Le jour et la nuit 

Le marché de Montréal, pour ce qui est du hockey, est un véritable tourbillon. Tout ce qui touche le Canadien de Montréal prend une ampleur souvent démesurée. 

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Un choix de première ronde qui ne progresse pas rapidement est, en deux temps trois mouvements, qualifié de «flop» sur la toile. 

Après un premier camp d’entraînement encourageant en septembre 2022, Mesar, que le CH a repêché en provenance de la meilleure ligue de Slovaquie où il était opposé à des hommes, est fortement encouragé par les dirigeants montréalais à faire le saut dans l’OHL en 2022-2023. Il accepte et se joint aux Rangers de Kitchener.

Mais il ne trouve jamais son rythme et ses 51 points en 52 parties sont largement en-deçà des attentes. 

Puis, comme on le disait, son camp 2023 avec le CH ne rassure pas. Tant lors des «scrimmages» que lors des matchs préparatoires, il est plus souvent qu’autrement invisible. 

Pendant ce temps, rien pour aider, Juri Kulich, sélectionné par les Sabres tout juste après Mesar, vient de connaître une saison de 24 buts en 62 matchs (meilleur buteur de son équipe)... dans la Ligue américaine. 

C’est donc dans un contexte particulièrement moche où de très nombreuses personnes le qualifient de «nouveau choix de première ronde gaspillé» que Mesar débarque pour une seconde saison à Kitchener. 

Sauf que depuis son arrivée en sol ontarien, et même si tout semblait jouer contre un scénario du genre, il casse la baraque. Et pas qu’un peu. 

En date d’aujourd’hui, le jeune homme, probablement motivé par un grand désir de prouver à ses dénigreurs qu’ils ont tort, revendique 22 points... en 11 matchs. Il s’agit, à égalité avec son coéquipier Carson Rekhopf, de la meilleure récolte de l’OHL en termes de moyenne de points par match (2.00).

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The Record
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Revirement de situation, dites-vous? 

Et Jussi Ahokas a son explication sur ce réveil qu'on peut qualifier d'inattendu. 

«Il a commencé à défendre beaucoup mieux. Il va dans les coins, se bat ferme et se replie avec beaucoup plus de vigueur, donc il a la rondelle plus souvent. C’est un aspect de son jeu sur lequel je porte une grande attention. Je pense comme ça, en tant qu’entraîneur : mieux tu défends, plus tu attaques. Et pour ce qui est d’attaquer, Filip n’a aucun problème!»

Et lorsqu’on lui fait remarquer que Mesar semble également beaucoup plus enclin à jouer à l’intérieur des points de mise en jeu que l’an dernier (et lors du dernier camp du Tricolore), Ahokas acquiesce sans hésiter. 

«Quand tu dois jouer à l’intérieur, tu dois y aller! N’évite pas cette zone, qui est payante! Je pense que la confiance qu’il a actuellement l’aide beaucoup à se rendre compte que la périphérie n’est pas l’endroit où tu marques la plupart de tes buts.»

Avant la LNH, les trois principaux défis de Filip Mesar

Lorsqu’on lui demande les plus belles qualités de Mesar, Ahokas peine à retenir son excitation.

«Oh! Sa gestion de la rondelle et ses aptitudes en espaces restreints. C’est un excellent créateur de jeux. Il a aussi une bonne vitesse de pointe. C’est un meilleur patineur au même âge que Kappo Kakko, que j’ai aussi dirigé. Mais les deux sont extrêmement différents, en tant que joueurs.»

Et ces qualités sont-elles assez prononcées pour faire de lui un joueur de la LNH? 

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«Si tout va bien et c’est évidemment un processus, je le vois jouer sur un deuxième ou un troisième trio où il pourrait mettre en valeur ses qualités en possession de rondelle et sa vitesse. Je pense aussi qu’il est un bon candidat à la deuxième vague de l’avantage numérique», avance Ahokas.

Mais par «processus», le Finlandais veut dire que le travail ne fait que commencer pour Mesar. Après tout, on ne parle que de 11 matchs dans l’OHL. 11 matchs brillants, certes. Mais 11 matchs quand même. 

«Il a beaucoup progressé en peu de temps, mais son jeu défensif a encore besoin d'être peaufiné avant que l’on puisse penser à la LNH. Je suis aussi d’avis qu’il doit encore être plus dur dans ses duels pour la rondelle. Enfin, j’aimerais le voir attaquer davantage le centre de la glace avec sa vitesse. Mais quand il maîtrisera ces trois aspects comme je pense qu’il peut le faire à son meilleur, il aura toutes les chances au monde de réussir.»

AFP
AFP

Questionné à savoir s’il était au courant que certains le qualifiait de «responsable de la résurrection de Filip Mesar», Jussi Ahokas éclate de rire. Et le nombre de décibels ne diminue pas lorsqu’on ajoute que certains pensent aussi que la «connexion européenne» entre les deux hommes puisse avoir joué un rôle dans tout ça. 

«La nationalité n’a aucun lien avec sa bonne saison (rires)! Tout le crédit lui revient. Il travaille de la bonne façon et se sert de ses atouts, qui sont nombreux. Filip est heureux actuellement. Et son jeu s’en ressent. Il a compris plusieurs choses, ces dernières semaines. Ce que je peux te dire, c’est que je vais faire tout ce que je peux pour l’aider à se développer au maximum de ses limites.»

Notre interlocuteur est humble. Et c’est tout à son honneur. Mais les faits parlent d'eux-mêmes: il a clairement mis le doigt sur la façon idéale de travailler avec Filip Mesar. 

À un mois de Noël, voilà un superbe cadeau pour les partisans du CH. 

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