Fiasco SAAQclic: l’ex-PDG voulait éviter des pénalités de 80 millions$ et un risque de poursuites

Nicolas Lachance
Afin d’éviter des pénalités de 80 millions$ et un risque de poursuites, l’ex-PDG de la SAAQ a préféré régler à l’amiable une mésentente avec le fournisseur ayant décroché le contrat de transformation numérique, même si les coûts de SAAQclic grimpaient.
En 2020, rien ne va plus entre la SAAQ et son fournisseur. Il manque entre 800 000 et 2 millions d’heures pour réaliser SAAQclic.
Selon le vice-président aux technologies de l’information, Karl Malenfant, l’Alliance est responsable: elle aurait sous-évalué la complexité et les efforts requis. De son côté, l’Alliance SAP-LGS estime que les retards sont dus à une faible performance des équipes de la SAAQ.
«Les positions s’étaient cristallisées», a déclaré Nathalie Tremblay, PDG de la SAAQ de 2012 à 2021, évoquant une «rupture avec l’Alliance».
Son témoignage, considéré comme clé, a débuté lundi devant la commission Gallant.
«Des yeux dangereux»
Mme Tremblay a reconnu avoir eu de la difficulté à comprendre les explications du responsable du projet, Karl Malenfant, qui s’exprimait dans un langage de «gestion de projet». Elle a donc sollicité un regard comptable. À la suite de l’analyse menée par son vice-président aux finances, Yves Frenette, elle a admis avoir «perdu le sourire». Elle avait même «des yeux dangereux», a-t-elle dit.
À partir de l’été 2020, Mme Tremblay a perdu confiance envers l’Alliance. Dans son esprit, il ne s’agissait plus d’un partenaire, mais d’un simple fournisseur.
Tous les scénarios ont été évalués, y compris celui de mettre fin au contrat. Or, cette option impliquait des pénalités de 80 millions$ et un risque élevé de poursuites.
«Il n’était pas question de radier l’actif que nous avions commencé à construire, en plus de ne pas avoir de solution», a-t-elle affirmé.
«Le conseil a dit: “On va en médiation”. Ça vaut la peine de se rendre jusqu’au bout», a-t-elle expliqué. Ils étaient «tous conscients» que cela allait demander un investissement plus élevé que prévu. «Mais on s’est demandé: investit-on davantage pour compléter un actif déjà bien entamé, ou arrête-t-on tout et perd-on les sommes déjà investies?»
Choix unanime... et contradictions
En 2013, lorsque Karl Malenfant a été engagé pour moderniser les infrastructures informatiques de la SAAQ, ni la PDG ni l’organisation n’avaient été informées de son passé controversé chez Hydro-Québec, a-t-elle affirmé.
Mme Tremblay a appris, cinq ans plus tard, dans un article du Journal publié en 2018, que la transformation numérique menée par Malenfant chez Hydro-Québec avait été un échec.
«Aucune allégation ni aucun élément lié au projet d’Hydro-Québec n’a été soulevé», a-t-elle soutenu.
Sous serment, Mme Tremblay a affirmé que, lors de la présentation de la candidature au comité des ressources humaines, la présidente du comité des technologies du conseil d’administration, Anne-Marie Croteau, était présente.
Or, lors de son témoignage devant la Commission en mai dernier, Anne-Marie Croteau avait affirmé que les difficultés vécues par Malenfant dans le cadre de la transformation numérique d’Hydro-Québec constituaient un atout.
Projet à 200 millions$: l’ex-PDG se défend
L’ancienne PDG de la SAAQ se défend d’avoir agi avec «laxisme» auprès du Conseil du trésor en présentant un projet de 200 millions$ pour lancer la transformation numérique de l’organisation. Elle affirme avoir inscrit ce montant uniquement parce que cette «case» devait obligatoirement être remplie dans le formulaire d’autorisation.
«On n’a pas fait ça sur le coin d’une table au restaurant. On a fait un travail sérieux», a déclaré Mme Tremblay.
Dans un document présenté au Conseil des ministres le 13 avril 2015, Mme Tremblay avait convaincu le gouvernement d’autoriser le projet SAAQclic en évoquant un contrat de 200 millions$ sur dix ans.
«Mon focus était sur le processus», a-t-elle précisé, ajoutant que «l’objectif n’était pas d’obtenir l’autorisation d’un contrat, mais bien d’un processus pour aller au marché».
Le montant de 200 millions$ aurait été inscrit de manière arbitraire simplement parce qu’un chiffre devait apparaître dans le formulaire.
«Il y a des petites cases obligatoires quand on remplit les formulaires. Un jour, je vous parlerai de mon émotion face aux 12 travaux d’Astérix. Mais quand on va au Trésor, il y a des formulaires à remplir, et certaines cases sont obligatoires. Quand on est arrivé à celle-là, il fallait la remplir», a-t-elle expliqué.
Mme Tremblay indique que Karl Malenfant et le responsable des règles contractuelles, Yves Frenette, avaient fourni la meilleure estimation possible.
«Mais ça vaut ce que ça vaut. On ne peut pas savoir combien ça va coûter avant d’aller au marché, honnêtement.»
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