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L'article provient de Le Journal de Montréal
Politique

Fiasco SAAQclic: les révélations chocs de la commission Gallant sont dignes d’un roman policier

Le scandale prend de l’ampleur, alors que de nouvelles informations éclatent au grand jour

Photo Stevens LeBlanc
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Photo portrait de Nicolas Lachance

Nicolas Lachance

2025-05-31T04:00:00Z
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Les révélations explosives ont meublé une autre semaine de la commission d’enquête publique sur le fiasco SAAQclic. Le scandale prend de l’ampleur, alors que de nouvelles informations éclatent au grand jour. Ce coûteux bordel informatique prend la tournure d’un polar. Comme lors de la commission Charbonneau, il y a 10 ans, les aveux des témoins donnent lieu à des déclarations spectaculaires. Voici les meilleurs moments des derniers jours:

«Une maudite cochonnerie»

Le témoignage de l’ancien contrôleur financier de la SAAQ Jérôme Verreault s’est révélé troublant. Durant les 18 mois qu’il a œuvré à la SAAQ, il a rapporté en détail comment la direction avait ignoré la mauvaise gestion du dossier. Ses notes et rapports «n’étaient pas pris au sérieux», a-t-il affirmé sous serment. À l’image des trois singes de la sagesse, la haute direction de la SAAQ ne voulait «rien entendre, rien voir et rien dire» sur les dérives du projet SAAQclic, et ce, dès 2018. La SAAQ aurait fermé les yeux sur le non-respect du contrat de SAAQclic, les risques de fraude, des taux horaires injustifiés de 350$ et des factures incomplètes. Il a affirmé que la première livraison du projet «était une maudite cochonnerie».

«Perception de favoritisme»

Un ancien coordonnateur de la SAAQ a admis qu’il y avait une «perception de favoritisme» à l’endroit de l’Alliance SAP-LGS qui a remporté le contrat CASA/SAAQclic. La «garde rapprochée» du vice-président aux technologies de l’information, Karl Malenfant, avait été placée dans les comités chargés d’évaluer les soumissions pour le contrat du projet SAAQclic. Il s’agissait de connaissances de Malenfant qui avaient préalablement obtenu de lucratifs contrats à titre de consultant pour la SAAQ et qui avaient travaillé sur l’appel d’offres pour SAAQclic. «Plusieurs personnes étaient proches de Karl Malenfant, enlignées ensemble, donc si ce noyau de 5 sur 8 était aligné ensemble et menait les débats [...].» Selon Nicolas Vincent, «il y avait une perception que ceux qui avaient rédigé l’appel d’offres favorisaient SAP».

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«Denis, tu te fais bullshiter»

Selon Daniel Pelletier, celui qui venait d’être nommé PDG de la SAAQ en 2022, Denis Marsolais, se faisait manipuler par le vice-président des affaires informatiques, Karl Marlenfant. «Denis, tu te fais bullshiter», aurait affirmé M. Pelletier à son supérieur, à la suite d’une rencontre houleuse avec le cabinet du ministre des Transports de l’époque, François Bonnardel. Le 8 juin 2022, le PDG et Karl Malenfant auraient annoncé au gouvernement Legault que l’organisation devait verser 222 millions$ supplémentaires à l’Alliance SAP-LGS pour qu’elle termine le projet SAAQclic. Malenfant plaidait que la portée du projet avait changé. Le vérificateur de l'époque Daniel Pelletier était en désaccord. Le contrat était forfaitaire, «cappé» à 458 M$, et la portée du projet n’avait pas été modifiée. La somme devait inclure tous les volets du projet et les dépenses sur 10 ans.

Un gouffre financier à cause du fiasco

Avec sa «comptabilité créative», ses cibles d’économies de fonctionnement irréalistes et ses bogues informatiques, le projet SAAQclic a plongé la SAAQ dans un gouffre financier. Pourtant, dès 2015, les vérificateurs internes de la Société prévoyaient que le projet de transformation numérique risquait de déraper financièrement. Aujourd’hui, le déficit anticipé de l’organisation atteint 1 G$, estime l’ex-directeur de la vérification, Daniel Pelletier. La marge de crédit de la SAAQ est près du maximum de sa capacité. La direction analyse la possibilité de piger dans le fonds réservé aux accidentés de la route pour rétablir ses finances, a révélé M. Pelletier. La ministre des Transports, Geneviève Guilbault, a toutefois fermé la porte à cette solution, sauf pour boucler les budgets publicitaires en prévention, notamment avec sa porte-parole Katherine Levac.

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L’UPAC s’intéresse à SAAQclic

L’ex-directeur de la vérification a souligné que l’Unité permanente anticorruption (UPAC) s’était intéressée aux contrats de la SAAQ, alors qu’en 2023 ça «brassait vraiment» en raison du déploiement catastrophique de SAAQclic. Daniel Pelletier a raconté que des enquêteurs de l’UPAC auraient rencontré des employés, et le PDG Denis Marsolais, parce qu’ils étaient préoccupés par l’octroi de certains contrats. «Ils voulaient avoir des informations supplémentaires quant à des contrats de 2016», a mentionné M. Pelletier. «Évidemment, on a collaboré immédiatement.»

«On va assister aux Grands Feux Loto-Québec»

Les informaticiens de la SAAQ découvraient encore des centaines de bogues critiques lors des derniers tests effectués avant de déployer la plateforme SAAQclic. «On va assister aux Grands Feux Loto-Québec. Ça va péter de partout», avait affirmé à son supérieur Vincent Poirier, un ex-vérificateur interne de la SAAQ et expert en informatique. À l’interne, c’était la panique, les équipes étaient épuisées. Les résultats des tests informatiques étaient loin d’être concluants, a signalé M. Poirier. «Ils découvraient plus de 100 anomalies critiques quotidiennement. Et c’était des éléments assez critiques», a dénoncé le vérificateur. La direction a néanmoins décidé d’arrêter les tests et de foncer avec la mise en service de SAAQclic. À «la croisée des chemins», il restait «des bogues par centaines», a-t-il déclaré.

Karl Malenfant
Karl Malenfant Courtoisie capture d'écran Linkedin

Qui est Karl Malenfant?

  • L’ex-vice-président des technologies de l’information (TI) à la SAAQ
  • Le grand manitou du projet SAAQclic, de 2014 à 2024
  • Direction des ressources humaines et des ressources matérielles et immobilières, de 2020 à 2024
  • «Beaucoup de responsabilités dans les mains d’une seule personne», selon l’ex-vérificateur Daniel Pelletier
  • Avait mené un fiasco similaire chez Hydro-Québec auparavant
  • A pris sa retraite un an après le déploiement catastrophique de SAAQclic
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