Fiasco SAAQclic: la ministre Guilbault pousse Savoie au risque

Nicolas Lachance
Geneviève Guilbault a placé la présidente du conseil d’administration de la SAAQ Dominique Savoie dans une position «risquée» en lui demandant de s’ingérer dans les opérations pour gérer la suite de SAAQclic, estiment des experts en gouvernance.
Vendredi dernier, la ministre des Transports a réagi aux allégations accablantes de l’Autorité des marchés publics (AMP) en annonçant que la présidente du CA de la SAAQ prendrait en charge le dossier SAAQclic.
Elle n’a pas réitéré sa confiance envers le PDG Éric Ducharme, qu’elle avait nommé pour faire le ménage après le fiasco.
«On souhaite que le conseil d’administration et Dominique Savoie aient un rôle encore plus fort dans la gestion de l’organisation, entre autres, [qu’ils] soient responsables des suivis de l’ordonnance et des contacts avec l’Autorité des marchés publics et éventuellement tout ce qui va se dérouler dans le cadre de la commission d’enquête», a déclaré Mme Guilbault.
«On tient à ce que Mme Savoie joue un rôle accru parce qu’il en va de la confiance du public.»
La déclaration de la ministre a surpris plusieurs personnes. Il est «anormal» de demander à une présidente d’un conseil d’administration de s’ingérer dans les opérations d’une organisation, selon l’experte en gouvernance Caroline Codsi.
«Je ne trouve pas ça normal et je ne trouve pas ça sain. Je ne trouve pas ça équilibré. Ce n’est pas une bonne pratique», a affirmé la fondatrice et présidente de La Gouvernance au féminin, estimant que la ministre place Dominique Savoie dans une position embarrassante.
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«Je veux dire, c’est risqué, même, je trouve. Ça m’apparaît anormal d’assumer des rôles exécutifs, sans avoir les protections associées.»
Mme Codsi précise que «normalement» un conseil d’administration et sa présidence doivent se concentrer sur la stratégie et la supervision d’une société.
«Les opérations, c’est la responsabilité exclusive de la direction, c’est-à-dire le PDG et son équipe.»
Gestion de crise
L’experte en gouvernance Marie-Soleil Tremblay concède que les opérations, comme l’octroi de permis et la gestion, sont la responsabilité de la haute direction de la SAAQ.
Mme Tremblay nuance que la SAAQ est en gestion de crise en raison du fiasco SAAQclic et que le CA doit être tenu au courant des risques liés au projet.
«Puis, il doit être satisfait des mesures qui sont prises par la direction», note-t-elle.
«Le conseil d’administration n’a toutefois pas à se mêler de la gestion des opérations dans un contexte normal.»
De son côté, le leader parlementaire du Parti libéral du Québec, également formé en gouvernance, estime que la ministre Guilbault confond les concepts de gouvernance et de gestion.
Il s’agit d’un désaveu envers le PDG de la SAAQ, Éric Ducharme, dit Monsef Derraji.
«Demander à la présidente du conseil d’administration de jouer le rôle du PDG va à l’encontre des bonnes pratiques», a déclaré M. Derraji, qui a fait la formation du Collège des administrateurs de sociétés.
«Si le gouvernement n’a plus confiance en M. Ducharme, qu’il le remplace. Le patinage de la ministre Guilbault a assez duré. Il est temps d’agir.»
Rappelons que l’AMP a suspendu tous les contrats en lien avec SAAQclic pour les 30 prochains jours.
Selon le Vérificateur général du Québec, en plus des retards et des ratés, la facture du projet CASA/SAAQclic atteindra au minimum 1,1 milliard $ en raison du déploiement catastrophique du système.
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