Fiasco SAAQclic: après une journée tendue, Karl Malenfant minimise l’impact financier du projet

Nicolas Lachance
Même si la SAAQ avait promis au gouvernement des bénéfices de 10% pour justifier sa transformation numérique, l’architecte de SAAQclic soutient que l’objectif n’était pas de faire de l’argent. Karl Malenfant a tenté de minimiser son rôle dans les finances du projet.
Son témoignage a repris mardi matin devant le commissaire Denis Gallant. La veille, les esprits s’étaient échauffés entre l’avocat de Malenfant et le commissaire (voir plus bas).
Ce matin, le calme est revenu, bien qu’une tension demeure palpable. Les travaux se sont poursuivis dans l’ordre, abordant la disparition des bénéfices et la hausse des coûts du projet.
En 2020, la SAAQ et l’alliance SAP-LGS ne s’entendent plus sur les coûts et la portée du projet. Selon le procureur de la commission, Me Alexandre Thériault-Marois, un fossé se creuse.
La SAAQ pourrait devoir réinjecter 144 M$ dans le projet. Le cas échéant, la rentabilité projetée s’évaporerait, selon un tableau préparé par la vice-présidence aux finances.
Karl Malenfant s’est défendu, affirmant qu’il n’était pas «le financier» du projet et qu’il n’avait pas préparé ce tableau.
«Moi, ma job, dans ce dossier-là, ce n’est pas les chiffres [...] Ce n’est pas de faire des tableaux financiers», a-t-il signalé.
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Pas «le financier»
L’ex-vice-président aux technologies de l’information soutient que l’objectif n’était pas de générer des rendements, mais d’assurer la pérennité de la SAAQ.
«L’objectif, ce n’est pas de faire de l’argent», a-t-il dit, minimisant les impacts financiers du litige qui s’amplifiait entre la société et son partenaire privé.
Son argumentaire n’a pas semblé convaincre Me Thériault-Marois.
«Vous savez que si vous versez 144 millions à l’alliance, vous allez arriver à une rentabilité de 0%. C’est ce qui est écrit», a-t-il répliqué, rappelant que le projet avait été vendu au gouvernement du Québec avec la promesse de rembourser la dette de la SAAQ tout en générant des bénéfices.
«Au début, on disait qu’on allait faire de l’argent [...] et ensuite, on parlait des bénéfices pour les citoyens.»
Malenfant s’est une fois de plus opposé à cette lecture.
«Je m’excuse, ce n’est pas moi l’auteur ni le propriétaire de ces chiffres. J’ai déjà beaucoup à faire pour faire fonctionner l’ensemble de l’œuvre», a-t-il affirmé.
Même chose pour le retrait de la récurrence (entretien) des tableaux budgétaires.
«Ce n’est pas moi qui présente les chiffres», a-t-il répété, soutenant qu’il n’est pas «le financier» du projet.
Changement de portée et de coûts
Après analyse, il manquait 1,4 million d’heures pour compléter la livraison 2 du projet. Karl Malenfant a indiqué que «la livraison 2 n’est plus la livraison 2», en raison des changements demandés par la SAAQ qui n’avaient pas été prévus initialement.
«Ce n’est plus le même projet», plaide-t-il. À ces changements s’ajoutent des réclamations de l’alliance pour compléter la livraison.
«Ce n’est pas la même livraison 2. Elle évolue dans le temps, ce qui est normal pour un grand projet», a décrit l’architecte.
La SAAQ aurait pu se retirer du projet, mais craignait d’être poursuivie. Elle a donc préféré entamer une médiation avec l’alliance.
L’entente signée a modifié la portée du projet: la livraison 3 a été abandonnée. L’alliance livrera moins que prévu initialement, pour le même montant. Le secret professionnel empêche la commission d’aborder le contenu de la médiation.
Comme l’a révélé Le Journal au printemps dernier, la SAAQ s’est engagée à réinjecter 135 M$ à la suite de cette médiation avec l’alliance SAP-LGS (IBM).
Plutôt que de publier un avenant révélant l’explosion des coûts, la SAAQ a choisi de puiser directement dans le contrat de 458 M$ signé avec l’Alliance en 2017, couvrant la réalisation complète du projet.
Ce n’est qu’en 2022 que la SAAQ décidera de verser 222 M$ supplémentaires au projet en trois versements.
Tension et prise de bec
La journée de lundi a été marquée par un échange musclé entre le commissaire Denis Gallant et l’avocat de M. Malenfant lorsque ce dernier s’est levé pour dénoncer les prises de position du procureur.
«Vous ne pouvez pas intervenir. Je vous demande de vous asseoir», l’a sèchement rabroué le commissaire Gallant, estimant être le seul à pouvoir juger si le procureur tombe dans «l’argumentation».
«Ça sert à quoi d’être ici?» a finalement rétorqué l’avocat en s’assoyant.