Fiasco SAAQclic: «J’aimerais protéger mes arrières», a écrit un employé de la SAAQ à l’ex-vice-président des finances
Un courriel envoyé par un employé de la SAAQ à l’ex-vice-président des finances préoccupe le commissaire Gallant à l’enquête sur SAAQclic

Nicolas Lachance
Le commissaire Denis Gallant cherche à comprendre pourquoi un employé de la SAAQ a voulu «protéger ses arrières» dans le dossier SAAQclic avant de transmettre des informations délicates.
Un courriel envoyé le 14 août 2015 par Claude Lantier à Yves Frenette, alors vice-président aux finances, est au cœur des préoccupations de la commission d’enquête publique.
«J’ai besoin de ton éclairage avant d’envoyer ce document à la gestion contractuelle, car je sais qu’ils ne seront pas à l’aise. C’est novateur, [ça] permet d’atteindre nos objectifs, mais c’est sur la ligne», indique Claude Lantier. «Avant d’essayer de les convaincre, j’aimerais protéger mes arrières.»
Il ajoute que «Karl sera bien content», en faisant référence au patron informatique Karl Malenfant.
Il demande aussi à Frenette de porter une attention aux lignes du document où il aborde la surveillance du Conseil du trésor.
Une pièce jointe accompagnait ce courriel, mais elle n’a pas été remise à la commission.
Le témoin, Yves Frenette, a esquivé les questions de la procureure. Son témoignage est important parce qu’à l’époque, il était le grand manitou de l’application des règles contractuelles à la SAAQ.
Les avocats de la SAAQ ont plaidé que Frenette ne pouvait commenter un courriel qu’il n’avait pas écrit, surtout sans la pièce jointe.
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«Loin d’être banal»
Le commissaire Gallant a vivement réagi à cette objection.
«Ce courriel-là, il me fatigue, a-t-il déclaré. Avec des mots comme “je protège mes arrières”, “surveille les lignes où j’aborde le Trésor”... Je pense qu’il est le bon témoin pour y répondre, s’il s’en souvient. Parce que ce n’est pas banal, c’est loin d’être banal.»
La SAAQ s’est engagée à retrouver et à déposer la pièce jointe.
Un projet pilote
Frenette a qualifié CASA/SAAQclic de «projet pilote» pour le gouvernement du Québec, tant sur le plan contractuel que technologique.
Il a reconnu que la SAAQ tentait de «faire entrer un carré dans un rond» et que le projet nécessitait des mesures exceptionnelles, comme des contrats de gré à gré, faute de ressources internes.
L’ex-vice-président a aussi évoqué «le poids de l’ambition» et a comparé le vice-président aux technologies de l’information Karl Malenfant à une voiture de course.
«M. Malenfant, on l’appelait la Formule 1. C’est une Formule 1», a-t-il dit, soulignant la pression liée à la date de livraison. «On a été en fast-track tout le temps.»
Par ailleurs, Yves Frenette a défendu l’exclusion de «contrats satellites» du budget principal du projet CASA/SAAQclic, les comparant à des frais de déménagement qui ne figurent pas dans une «hypothèque».
Les coûts ont été absorbés par les opérations régulières de la SAAQ, a-t-il expliqué.
La SAAQ a conclu plus de 1800 contrats supplémentaires dissimulés avec divers consultants et fournisseurs dans le cadre de sa transformation numérique, a révélé la commission Gallant.
En raison du nombre élevé de ces contrats, les employés de la commission sont pour l’instant incapables d’estimer le montant total engagé.
Le projet SAAQclic devrait coûter au moins 1,1 milliard $ aux contribuables, soit plus du double du budget initial, selon le Vérificateur général du Québec.
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