Fiasco SAAQclic: plus de 1800 contrats supplémentaires cachés par la SAAQ ont été découverts par la commission Gallant
La note s’élevait déjà à 1,1 milliard $, mais la facture totale devrait être encore plus salée

Nicolas Lachance
Le fiasco financier SAAQclic s’élevait déjà à 1,1 milliard $, mais la facture totale sera forcément encore plus élevée. La SAAQ a conclu plus de 1800 contrats supplémentaires dissimulés avec divers consultants et fournisseurs dans le cadre de sa transformation numérique, a révélé la commission Gallant.
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Charlotte Deslauriers-Goulet, l’avocate de la commission d’enquête publique sur SAAQclic, a fait le point sur le processus d’attribution de contrats du projet de transformation numérique de la SAAQ.
En se basant sur les preuves déposées et sur les témoignages, elle a résumé lundi comment le contrat initial de 458 millions $ a été signé avec l’Alliance des firmes SAP et LGS pour une durée de dix ans. Ce contrat devait couvrir l’ensemble du projet, incluant la main-d’œuvre et la licence technologique.

Mais l’avocate a gardé «le punch pour la fin», selon ses propres mots. Les procureurs de la commission Gallant ont répertorié à ce jour 1879 contrats, incluant plus de 1800 ententes satellites qui sont toujours en analyses.
«Ces contrats satellites font référence à tous les contrats qui évoluent ou qui ont évolué en périphérie des contraintes contractuelles et qui participent directement ou indirectement au projet ou au programme CASA», a déclaré l’avocate.
Parmi ces ententes figurent des contrats de gré à gré avec des consultants ainsi que des contrats assortis d’enveloppes budgétaires à dépenser selon les besoins.
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«Montants considérables»
En raison du nombre élevé de ces contrats, les employés de la commission sont pour l’instant incapables d’estimer le montant total engagé. «On sait qu’on parle de montants considérables», a toutefois conclu Me Deslauriers-Goulet.
La commission poursuit son analyse de ces contrats afin de présenter un portrait plus précis d’ici la fin de l’enquête publique.

Rappelons que les vérificateurs internes de la SAAQ avaient exprimé leurs préoccupations dès 2015 concernant les liens professionnels entre le patron informatique Karl Malenfant et certains consultants ayant obtenu, par son entremise, de généreux contrats.
Ces consultants avaient été engagés pour préparer l’appel d’offres du projet CASA/SAAQclic. Parmi les cas soulevés figure un contrat de 1,2 million $ attribué à Madeleine Chagnon, une ancienne collègue de Malenfant chez Hydro-Québec et chez DMR.
Le rapport du Vérificateur général du Québec (VGQ) déposé en février dernier révélait que les dépenses prévues de 638M$ (incluant les ressources de la SAAQ) sur 10 ans en 2017 pour l’ensemble du projet et de son entretien allaient finalement dépasser 1,1G$. Le projet n’est toujours pas complété et les économies attendues sont nulles.
Peur de «froisser» la PDG
Plus tard lundi, Jude Martineau, membre du conseil d’administration de 2014 à 2020 et responsable du comité de vérification, a signalé que le projet SAAQclic l’inquiétait au printemps 2020.
Il recevait alors des informations contradictoires provenant des vérificateurs internes, du vice-président aux technologies de l’information, Karl Malenfant, ainsi que de la vice-présidence aux finances.
M. Martineau souhaitait obtenir l’heure juste et un portrait exact d’un projet qui semblait déraper. À l’époque, la PDG de la SAAQ, Nathalie Tremblay, envisageait de mettre le projet sur pause, alors que les coûts et les échéanciers n’étaient plus maîtrisés.
Lors d’un huis clos, M. Martineau a demandé à ses collègues du CA un nouveau portrait de la situation, ce qui lui a été refusé. Il a déclaré qu’ils craignaient «que Mme [Nathalie] Tremblay pense que les membres du comité n’ont plus confiance en elle».
En parallèle, il a sollicité directement la direction de la vérification pour obtenir ce portrait. En 2020, il a reçu un rapport complet estimant les coûts à plus de 900M$. Le document a été remis à un autre membre du CA ainsi qu’à la PDG. M. Martineau n’a toutefois jamais pu faire de suivi, son mandat prenant fin à ce moment-là.
Par ailleurs, Jude Martineau a lancé quelques flèches à l’endroit de Karl Malenfant et de sa gestion.
«Tu as beau avoir de beaux rapports et des lumières vertes... mais on se rend compte, quelques mois plus tard, que les lumières auraient peut-être dû être jaunes ou rouges», a-t-il souligné.
Selon lui, la SAAQ a peut-être «surévalué la capacité» de Mme Tremblay à gérer cette transformation. «J’imagine la pression que Mme Tremblay a eue sur les épaules dans les dernières années, ça devait être terrible», a-t-il ajouté, estimant que Karl Malenfant avait sans doute trop de pouvoir d’influence.
En ce qui a trait aux connaissances de M. Malenfant qui ont reçu des contrats, il aurait reçu l’assurance que les mandats étaient conformes et que les personnes étaient compétentes.
*Le texte original a été modifié mardi le 3 juin 2025 à 16h10
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