Festival en chanson de Petite-Vallée: une célébration du trad à la chanson

Marie-Ève Blanchard
Sous un soleil radieux, la 42e édition du Festival en chanson de Petite-Vallée a continué vendredi et samedi de réjouir et charmer les mélomanes et curieux, tant par des rencontres intimes ou prestations intenses ou entraînantes. Samedi soir, les festivaliers ont pu vivre une mémorable veillée de musique traditionnelle sous les airs entraînants de La Bottine Souriante.
Pour la première fois de passage au Festival en chanson de Petite-Vallée, bien étonnamment, La Bottine Souriante est venue samedi soir faire vibrer le chapiteau Québecor, désormais situé en permanence au cœur de Petite-Vallée. Une foule comble, intergénérationnelle et fort enthousiaste a non seulement pu apprécier l’énergisante performance du groupe, mais aussi vivre probablement la plus grande veillée trad de l’histoire du Festival en chanson.
Plus de 500 personnes de toutes les générations se sont rassemblées pour taper des mains et des pieds ainsi que danser sur les airs festifs et traditionnels du groupe mythique qui célébrera ses 50 ans l’an prochain. Des classiques («Sur la montagne du loup», «La poule à Colin», «Sur la grande côte», «2033») en passant par leur nouvel album, Domino! (« Les Jolies Québécoises »), le dixtuor a été fidèle à lui-même, livrant une prestation fort généreuse, énergique et entraînante.
Pour l’occasion, le «À soir, ça va swigner, au p’tit bal chez Jos Brûlé» a été remplacé par «À soir, ça va swinger au Festival de Petite-Vallée», lors de la reprise de la chanson de Tex Lecor «Le bal chez Jos Brûlé». Le guitariste et chanteur Éric Beaudry a ensuite entamé une très belle interprétation de «Belle Virginie» a cappella, à laquelle s’est joint le groupe, avant d’inviter le public à se lever pour chantonner «Le p’tit porte-clé» en l’honneur de Vincent Lainesse, musicien et régisseur de la région récemment décédé qui était fort impliqué dans le festival.
Le groupe a également profité de l’occasion pour interpréter «Martin de la chasse-galerie», dont le texte est signé de la main de Michel Rivard, que certains membres avaient croisé plus tôt sur le site. Question de faire lever davantage le spectacle en party du jour de l’An, Jean-François Branchaud y est allé de «La cuisinière», à laquelle le public s’est empressé de répondre.

La soirée s’est finalement poursuivie avec une folle veillée dansante callée par la néo-Gaspésienne Hélène Gaulin, lors de laquelle Gaspésiens et festivaliers ont pu danser et se dégourdir au rythme des sets carrés, des contredanses et des quadrilles avant d’aller se déhancher sur les refrains accrocheurs et rythmes groovy et décontractés de comment debord. Le groupe assurait lui aussi une première présence au festival et en a profité pour tester quelques-unes de ses nouvelles pièces devant public.
À l’heure de l’apéro, le Gaspésien originaire de Bonaventure et très prisé du festival Guillaume Arsenault a quant à lui charmé le public avec ses délicieuses chansons folk au Cabaret du Géant Beaupré au Camp chanson. Accompagné à la contrebasse de Jean-Guy Leblanc et à la guitare d’Éric Dion, l’auteur-compositeur-interprète, armé de son banjo, d’un harmonica, d’une perceuse électrique ou encore d’un dactylo, s’est révélé toutefois particulièrement touchant lorsque, seul à la guitare, il a interprété «Fragments», une pièce sur le deuil et la mort.

La veille, les festivaliers avaient aussi pu pleinement profiter des différents sites sous la présence bienveillante et attentionnée de bénévoles souriants venus des quatre coins du Québec.
Ce n’est pas le vent qui a empêché Eienne Dufresne de gratter sa guitare, un soleil radieux étant au rendez-vous. Ainsi, une centaine de personnes se sont rassemblées devant le vaste fleuve, derrière le restaurant-motel L’Étoile du Nord, à la Pointe-à-la-Frégate, afin de se laisser bercer par les mélodies de sa guitare et sa poésie singulière. L’auteur-compositeur-interprète était d’ailleurs heureux de se retrouver à l’endroit même où son album lancé en janvier 2024, Etienne Dufresne fait des efforts, a pris naissance, lors de sa présence parmi la cohorte des Chansonneurs de 2022. Emmitouflé dans le capuchon de son coton ouaté, il a enchaîné ses compositions, de «J’fais des efforts» à «Je respire», tandis que les festivaliers s’enivraient de l’odeur du varech.

Une précieuse rencontre avec Beau Dommage

En début d’après-midi, au Camp chanson, une centaine de privilégiés ont eu droit à une passionnante, et rare, rencontre intime entre les membres du groupe Beau Dommage, les artistes passeurs de cette 42e édition du Festival en chanson. Cet événement s’inscrivait dans la foulée de la sortie du balado de Guylaine Marois, La face cachée de l’album, qui décortique la création des chansons de leur premier album éponyme dans le cadre des 50 ans de sa parution.
Les membres du groupe mythique, dont Robert Léger et Pierre Bertrand, qui étaient présents virtuellement, ont d’ailleurs écouté avec le public l’épisode racontant la création de «23 décembre», avant de répondre aux questions du public, lui permettant de mieux comprendre la genèse de l’album, mais aussi du groupe. Tout un chacun aurait aimé que se prolonge cette rencontre précieuse ponctuée de quelques anecdotes et de boutades savoureuses.
Martha Wainwright seule à la guitare

Un peu plus tard sous le chapiteau, Martha Wainwright a rappelé d’entrée de jeu combien «nous venons tous d’une famille, mais qu’en vérité nous sommes tous seuls». Tout juste de retour de sa tournée à travers les États-Unis, l’Angleterre et l’Irlande, où elle était accompagnée de plusieurs musiciens, c’est cette fois bel et bien seule que l’auteure-compositrice-interprète canado-américaine est venue proposer les chansons de son premier disque éponyme, duquel elle souligne le 20e anniversaire cette année.
L’artiste s’est montrée fidèle à elle-même, honnête, transparente et attachante, touchant ou faisant rire son public lors de cette performance acoustique qui a permis aux spectateurs de pleinement apprécier ses jeux de voix. Alternant les guitares, Wainwright a interprété ses compositions, de «Ball & Chain» en passant par «Don’t Forget», la préférée de sa mère, à «Bloody Mother Fucking Asshole», avec l’intensité émotionnelle qui la caractérise.
Normalement accompagnée au piano, elle avait rapidement regardé sur internet afin d’en apprendre les accords à la guitare pour nous offrir sa superbe interprétation de «Dis, Quand Reviendras-Tu?» de Barbara.
La chanteuse a aussi livré une intense et très belle performance de «Ayoye» d’Offenbach, lu un extrait de son livre Rien de grave n’est encore arrivé, traduit par Fanny Britt «la magnifique», et fait un crochet vers son album Love Will Be Reborn, paru en 1921, avant d’offrir en rappel sa très belle version de «Cheminant à la ville», pièce des sœurs McGarrigle.
Le Festival en chanson de Petite-Vallée se poursuit jusqu’au 5 juillet prochain. Aliocha, Beyries, Emilie-Claire Barlow, Ariane Moffatt, Ariane Roy, 2Frères, Paul Piché, Ivan Boivin-Flamand, Jeanne Côté et plusieurs autres sont attendus au cours des prochains jours. Pour consulter la programmation, c’est par ici.