Festival d’été: renversante Marjo


Cédric Bélanger
Il n’y a rien à l’épreuve de Marjo. À 71 ans, après une vie à brûler la chandelle par les deux bouts, la rockeuse la plus adorée des Québécois possède encore l’énergie nécessaire pour donner des concerts à faire baver d’envie des petites jeunesses.
Vendredi soir, face à un public conquis sur la troisième scène en importance du Festival d’été à la place de l’Assemblée-Nationale, Marjo a été renversante, follement belle à voir envoyer paître la date inscrite sur son certificat de naissance.
Que faisait-elle là d’ailleurs? Comment une artiste possédant un répertoire d’une telle immensité, et à qui le programmateur du FEQ, Louis Bellavance, a même remis le prix Miroir de la Renommée avant le début du spectacle, peut-elle chanter sur une scène gratuite?

Des artistes qui ne peuvent se vanter d’avoir le quart de ses succès ni sa longévité ont déjà eu droit à des cartes blanches sur les plaines d’Abraham. Pourquoi pas elle? La bonne circonstance n’a pas été trouvée? Quelque chose nous échappe.
Des bombes
Si les Plaines sont dans sa mire, Marjo ne pouvait mieux plaider sa cause qu’en enfilant de sa jolie voix éraillée deux bombes de Corbeau, Illégal et Maladie d’amour, pour amorcer son tour de chant.
Comme dans Provocante, elle se déhanchait avec fougue d’un bord à l’autre de la scène dans son costume blanc immaculé, appuyée par quatre musiciens sur la coche, comme on dit par ici.

Ajoutez un petit coup de tambourine sur les fesses pour l’effet, on était en voiture.
Pas encore convaincus? Elle a enchaîné avec Y’a des matins, Sans toit ni loi, Chats sauvages et Celle qui va, rien que des succès que tout le monde peut chanter et a chanté avec elle, à son grand bonheur.
«Ma belle gang d’amour que j’aime et que j’adore», a-t-elle lancé à ses fidèles en guise de coup d’envoi au tendre doublé Doux/Tant qu’il y aura des enfants.
Retour chez Corbeau
C’est après ce beau moment de communion que Marjo, en roulant bien comme il faut son r, a annoncé qu’on changeait de beat pour se taper un pot-pourri de «Corrrrbeau», le groupe qui a donné un des spectacles les plus marquants du FEQ, en 1983.
Soudainement, c’est redevenu salement rock and roll, de Suite 16 jusqu’à l’incontournable et symbolique J’lâche pas.
Le sprint final nous réservait une surprise, une visite des Deuxluxes, vus en première partie. L’amical duel vocal entre Marjo et la chanteuse Anna Frances Meyer a donné une tonifiante interprétation d’Amoureuse.

Après ces feux d’artifice, l’atterrissage s’est effectué en douceur, au son de Trop d’amour et S’il fallait, en se balançant les bras et en chantant avec notre Marjo d’amour, qui a quitté la scène en montrant sa reconnaissance. «Merci au Festival d’été de Québec, qui m’a donné un beau prix. Cinquante ans d’artiste. Yes, madame.»
Les Deuxluxes: à fond la caisse
«Une corde de pétée, Québec, ça veut dire que ça se passe bien.» Observation pertinente d’Anna Frances Meyer, moitié furieusement flamboyante du duo Les Deuxluxes, qu’elle complète avec son amoureux, le plus discret, mais non moins efficace Étienne Barry.

La prestation des Deuxluxes, juste avant l’arrivée de Marjo, était à la hauteur de leur caractéristique fougue, laquelle se marie à merveille à leur blues rock teinté de psychédélisme que ne renieraient pas les Black Keys de la belle époque.
Une heure à fond la caisse vite passée, conclue avec l’entraînante Diable du printemps, qui a finalement secoué le public de sa torpeur de début de soirée.