Fausses signatures: Desjardins encore dans l’embarras
La police a découvert que des employés de l’institution financière imitaient, jusqu’à récemment, la signature d’un commissaire à l’assermentation

Félix Séguin
Des dizaines d’enquêtes policières et de procès sont en péril, car la police a récemment découvert que plusieurs employés de Desjardins ont imité à répétition la signature d’un commissaire à l’assermentation avant de remettre des documents aux forces de l’ordre.
«Les répercussions sont énormes», affirme une source bien au fait du dossier, consultée par notre Bureau d’enquête et qui a requis l’anonymat parce qu’elle n’est pas autorisée à parler aux médias.
Selon nos informations, les gestes reprochés seraient survenus lors «d’enquêtes criminelles d’envergure» partout dans la province au cours d’une période couvrant plusieurs années, et ce, jusqu’à tout récemment.
Pour comprendre ce qui s’est passé, il faut savoir que, lors de leurs vérifications, les policiers s’adressent souvent au tribunal pour obtenir des ordonnances qui obligeront les institutions financières, dont Desjardins, à leur communiquer des renseignements bancaires.
Les institutions financières se plient normalement à ces ordres de la cour et fournissent les informations. Un commissaire à l’assermentation doit alors apposer sa signature au bas des documents fournis en certifiant qu’ils sont authentiques.
Il s’agit de cette signature que les employés auraient usurpée.
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Il était devenu monnaie courante, chez Desjardins, d’imiter la signature du commissaire pour accélérer le délai de traitement des dossiers demandés par la police, confie une source.
«Nous sommes au courant de la situation, et nous avons pris les mesures nécessaires pour l’adresser», a confirmé mercredi soir le porte-parole de Desjardins, Jean-Benoît Turcotti.

Perquisitions invalidées?
Les renseignements fournis par les banques sont souvent utilisés par les autorités afin d’obtenir des mandats de perquisition.
«On craint que plusieurs avocats de la défense saisissent l’occasion pour faire invalider ces mandats», anticipe un enquêteur directement impliqué dans cette affaire, qui a requis l’anonymat.
«La pratique a été corrigée. Nous avons pris contact avec les autorités et nous collaborons avec elles», affirme Desjardins, qui compte 7,8 millions de membres.
Relations difficiles
Les relations entre Desjardins et différents corps de police au Québec sont tendues depuis le scandale du vol des profils financiers de tous les clients de la coopérative en 2019.
Sébastien Boulanger-Dorval, un ex-employé du siège social de l’institution, situé à Lévis, a été accusé en lien avec cette fuite de données.
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Les décideurs de Desjardins avaient alors prêté flanc à des critiques à peine voilées de la communauté policière, car ils auraient gardé pour eux des renseignements qui auraient pu faire avancer l’enquête.
C’est notamment en raison de ces délais que la justice a mis cinq ans à accuser Boulanger-Dorval et ses complices allégués.
Aucune accusation
Pour l’instant, les employés de Desjardins impliqués ne font face à aucune accusation.
Cependant, des discussions sont en cours, dans les organisations policières, afin de savoir si une enquête criminelle sera déclenchée.
Au moment d’écrire ces lignes, l’institution financière était incapable de confirmer si ses employés avaient fait l’objet de mesures disciplinaires.
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