Faudra-t-il bientôt scénariser par numéros?


Guy Fournier
Créer et écrire en cochant des cases comme certains peignent par numéros, est-ce le sort qui attend nos auteurs?
C’est bien à cet excès que risque de conduire l’obsession actuelle des divers conseils des arts, des sociétés d’aide, des ministères du Patrimoine et de la Culture dans leur quête tous azimuts «d’équité, de diversité et d’inclusion (EDI)».
Surtout que la route de l’EDI ne cesse de s’élargir.
Elle englobe aussi l’accessibilité, les «biais inconscients», la diversité sexuelle et de genre, les groupes sous-représentés, l’intersectionnalité, les microagressions, la zone paritaire, etc.
Anciennement limitée à quelques lettres de l’alphabet, la «diversité sexuelle et de genre» ne cesse d’en rajouter.
Au moment où j’écris ces lignes, nous en sommes à LGBTQQIP2SAA, ce qui inclut lesbiennes, gais, bisexuels, transgenres, en questionnement, intersexués, pansexuels, bispirituels, androgynes et asexuels.
Ce sont de toutes ces gens dont doivent se préoccuper désormais les scénaristes de télévision et de cinéma et les auteurs de théâtre s’ils veulent avoir accès aux aides des conseils des arts, de la SODEC, du Fonds des médias, de Téléfilm et des divers autres fonds culturels.
Sans compter que les demandeurs eux-mêmes deviennent presque prioritaires s’ils font partie de l’un de ces groupes.
Même la SRC n’est pas exemplaire
Téléspectateurs assidus, vous croyez peut-être que nos chaînes de télévision, Radio-Canada en particulier, sont devenues exemplaires en EDI.
Détrompez-vous. Six degrés, Lou et Sophie, Nouvelle adresse, Cerebrum, STAT, Sans rendez-vous et les autres émissions et séries qui vous semblaient regorger de «diversité» ne font pas vraiment la job.
Même si ces séries mettent en vedette ou font une place importante aux personnages LGBTQ+, elles ne satisfont pas Pink Triangle Press, un organisme dont la «mission» est d’améliorer la visibilité des communautés LGBTQ+ à l’écran.
D’après ses recherches, supportées évidemment par Téléfilm et le Fonds des médias, la télévision québécoise est «trois fois plus susceptible de représenter des personnages LGBTQ+ de manière unidimensionnelle que la télévision anglophone».
Selon David Walberg, le patron de Pink Triangle, nos séries présentent autant de personnages LGBTQQIP2SAA que la télévision anglaise, mais nos «LGBTQQIP2SAA» seraient moins «précis et authentiques» que les LGBTQQIP2SAA anglophones!
«On sent un effort, mais...»
Juliette Lavallée, une doctorante en communications de l’UQAM, en rajoute.
«Je vois une amélioration, déclare-t-elle. On sent un effort... mais quand on regarde les personnages de femmes queers, c’est souvent les mêmes histoires. Leur identité sexuelle est banalisée: elles ont les mêmes envies, les mêmes désirs, les mêmes intérêts que n’importe quelle femme hétérosexuelle!»
Faut-il comprendre par le rapport rose de Pink Triangle et ces affirmations d’une doctorante que les homosexuels, les lesbiennes et les queers ne sont pas des êtres humains comme vous et moi?