Faubourg Mena’sen: une vente qui suscite des questionnements
Jasmin Dumas | TVA Nouvelles
Des élus municipaux de Sherbrooke, en Estrie, et des ministres du gouvernement Legault sont préoccupés par la transaction impliquant le Faubourg Mena’sen, qui passerait des mains d’un organisme à but non lucratif (OBNL) à des intérêts privés.
Le Faubourg Mena'sen représente 172 unités de logements abordables gérées pendant plus de 40 ans par un organisme à but non lucratif; la Cité des retraités de l’Estrie.
Les bâtiments ont été vendus en février dernier à une compagnie à numéro. L’OBNL a été dissout un mois plus tard.
«Je me demande pourquoi l’organisme a vendu, pourquoi il n’a pas poursuivi sa mission, et où est passé l’argent?», s’est questionnée la mairesse Évelyne Beaudin.
Signé en 1976, le document des lettres patentes de la Cité des retraités de l’Estrie stipulait qu’en «cas de liquidation de la corporation ou de la distribution des biens de la corporation ces derniers seront dévolus à un organisme exerçant une action analogue.»
Le 1er mars 2022, quelques jours après la vente et peu avant la dissolution de l’organisme, des administrateurs ont signé des lettres patentes supplémentaires changeant le nom pour «L’Orientation éphémère» et modifiant la clause.
«Au cas de dissolution ou de liquidation de la compagnie, tous les biens qui restent, après le paiement des dettes seront distribués à une ou plusieurs personnes morales dont le siège social est situé dans le district de Saint-François, au Québec, et qui poursuivent des objets analogues ou similaires», est-il désormais possible de lire.
La conseillère municipale du district du Pin-Solitaire, Hélène Dauphinais, s’est dite révoltée par cette transaction.
«S’ils se sont réparti l’argent entre eux, comment tu peux entrer sur un conseil d’administration d’un OBNL comme bénévole et te retrouver quelques années plus tard avec l’argent de la vente dans tes poches?»
TVA Nouvelles a joint au téléphone Me Serge Dubois, qui était un des administrateurs de l’OBNL au moment de sa dissolution.
«Tout s’est fait de façon légale, c’est un dossier privé et nous n’avons aucune explication à donner. Je considère que l’affaire est close», a répondu Me Dubois.
La mairesse de Sherbrooke n’est cependant pas de cet avis. «Pour moi, un organisme qui a bénéficié de fonds publics, même si ça fait 40 ans, ça doit rester du domaine public.»
La députée de Sherbrooke, Christine Labrie, s’était servie de cet exemple la semaine dernière pour demander au gouvernement de changer la loi afin de prévenir la vente d’immeubles gérés par des organismes à but non lucratif à des intérêts privés.
La présidente de la Fédération régionale des OSBL d’habitation de la Montérégie et de l’Estrie réclame une enquête sur la vente du Faubourg Mena'sen. «C’est révoltant!», s’est exclamée Denise Godbout. «Il faut faire la lumière là-dessus et surtout s’assurer que ça ne puisse plus se reproduire.»
Des ministres «préoccupés»
La ministre de l’Habitation et des Affaires municipales, Andrée Laforest, est elle aussi préoccupée par la situation. Elle plancherait sur une solution pour éviter que ça se reproduise et protéger le parc de logements abordables, selon son cabinet.
Le dossier est également sur le bureau du ministre des Finances, Éric Girard.
«La situation et les faits rapportés nous préoccupent. Si une enquête est nécessaire pour faire la lumière, nous n’hésiterons pas à aller de l’avant. Pour le moment, nous devons compléter notre analyse, notamment des moyens à notre disposition pour intervenir, mais chose certaine, nous prenons la situation au sérieux», a indiqué son directeur de cabinet.