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Faire du beau avec du laid: le boulevard Taschereau rêvé peut-il devenir réalité?

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Photo portrait de Anne-Sophie Poiré

Anne-Sophie Poiré

2025-10-17T10:00:00Z
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«On veut que ça devienne un environnement moderne, urbain, vert et, bien sûr, très sécuritaire.»

C’est difficile à croire, mais cette déclaration de la mairesse de Brossard, Doreen Assaad, concerne l’emblématique — et malaimé — boulevard Taschereau, qu’elle souhaite métamorphoser avec sa collègue de Longueuil, la mairesse Catherine Fournier. Mais est-ce vraiment possible de transformer en une artère digne du XXIe siècle cette «strip» à l’américaine où l’automobile est reine? 

Il est 16h30, un vendredi après-midi. À l’angle du boulevard Taschereau et de la rue Lawrence, la ligne de démarcation entre Longueuil et Brossard, les véhicules affluent. 

Les passagers du Réseau de transport de Longueuil (RTL) montent et descendent des bus. Au même moment, des piétons tentent de se frayer un chemin sur le mince trottoir avant de traverser la quarantaine de mètres qui séparent les deux côtés de l’artère.

Capture d'écran Frédéric Poirier
Capture d'écran Frédéric Poirier

Il est là un des plus gros problèmes du boulevard inauguré en 1932: il n’a pas été conçu pour le partage de la route. 

L’axe routier a d’abord été aménagé pour faire circuler les voitures venant du pont Jacques-Cartier, avant de se voir octroyer une configuration autoroutière il y a 60 ans.

«Le boulevard a une utilité de fluidité, mais seulement pour les automobilistes. Il ne répond plus à ce qu’on recherche de l’urbanisme», signale le professeur au Département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM, Michel Rochefort. 

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De la place pour tout le monde

C’est là que Doreen Assaad et Catherine Fournier entrent en scène. 

Les deux mairesses, qui sont en campagne pour se faire réélire, veulent changer la vocation du boulevard, le cinquième corridor automobile le plus achalandé au Québec. 

Elles ont annoncé en juin dernier des travaux de réfection de l’axe routier sur près de 10 kilomètres, entre le terminus Longueuil-Université-de-Sherbrooke et la station Panama du Réseau express métropolitain (REM), à Brossard. 

Capture d'écran Frédéric Poirier
Capture d'écran Frédéric Poirier

«Les infrastructures souterraines sont en fin de vie. On a besoin de refaire les aqueducs, les égouts. Tant qu’à devoir ouvrir le boulevard, c’est aussi une occasion de lui donner une autre vocation», souligne Mme Fournier. 

Parmi les aménagements proposés: un service rapide par bus (SRB) au centre de la voie, des pistes cyclables et des trottoirs protégés par un terre-plein et la construction de 30 000 logements à même l’artère. 

«L’avantage avec le boulevard Taschereau actuel, c’est qu’il est très très large. Il y a de la place pour tout le monde! On n’a même pas besoin de toucher aux voies dédiées aux automobilistes», fait valoir la mairesse de Longueuil. 

Réparer les erreurs du passé

Michel Rochefort est du même avis. 

«Le boulevard Taschereau peut se transformer. Certains segments garderont leur utilité de voie autoroutière, mais il y a un fort potentiel pour la majorité de la route», souligne l’urbaniste. 

Le projet de réfection présenté par les deux mairesses permettra de «réparer» certains dégâts causés par l’étalement urbain, selon lui. 

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Capture d'écran Frédéric Poirier
Capture d'écran Frédéric Poirier

«L’étalement urbain a fait en sorte qu’on a consommé beaucoup de terrains. On doit mieux occuper le territoire qu’on a déjà artificialisé, et ça passe par la densification et la revalorisation de ce qui est déjà bâti», explique-t-il. 

«Il y a énormément d’enjeux de sécurité dans le secteur. Il y a eu des rapports de coroner qui ont demandé à Québec d’intervenir», indique pour sa part la mairesse Fournier, pour qui le statu quo n’est plus une option. 

• À lire aussi: «On ne peut pas faire pire», lance la mairesse Catherine Fournier sur Taschereau

De la beauté

Mais pour convaincre les citoyens de revenir sur Taschereau, un jour qualifié du boulevard le «plus laid au Québec», il ne suffit pas de leur offrir un environnement sécuritaire. Il faut imaginer une artère esthétique. 

Les mairesses y ont pensé. 

Dans la version 2.0 de Taschereau, les stationnements des commerces seront enfouis sous terre ou déplacés à l’arrière des bâtiments pour faire place à de la végétation. C’est une manière d’embellir l’espace, mais aussi de diminuer les îlots de chaleur en été. 

Capture d'écran Frédéric Poirier
Capture d'écran Frédéric Poirier

«Les commerces vont changer naturellement en intégrant l’habitation et le transport actif sur Taschereau. Les gens vont vouloir avoir accès à pied à certains services de proximité», estime Mme Assaad. 

«Les propriétaires des grands centres commerciaux qui ont pignon sur rue sont aussi très partants. Beaucoup nous contactent, parce qu’ils veulent la changer la configuration de leur commerce», ajoute Mme Fournier. 

L’enthousiasme des commerçants n’a rien d’étonnant, affirme l’urbaniste Michel Rochefort. 

«La majorité des propriétaires sur le boulevard Taschereau font de la spéculation depuis 20 ans. Ils entretiennent leurs immeubles au minimum en sachant que leurs grands terrains valent plus que l’activité qu’ils y exercent», explique-t-il. 

Un projet «raisonnable»

Ce n’est pas le premier projet de réaménagement annoncé pour le boulevard Taschereau. La question qui tue: qu’est-ce qui changera, cette fois? 

«Le projet est raisonnable et rapide d’implantation. C’est faisable en quelques années», s’accordent les mairesses qui ont toutes deux grandi sur la Rive-Sud de Montréal. 

C’est aussi la première fois que Brossard et Longueuil s’allient pour faire aboutir la réfection de l’artère. 

• À lire aussi: Revitalisation du boulevard Taschereau: un projet de 500 M$ avec moins de voitures et plus de mobilité durable

«Ça arrive très peu souvent dans le monde municipal. Ça change les façons de travailler», confie Catherine Fournier en jetant un regard complice à sa collègue.

Capture d'écran Frédéric Poirier
Capture d'écran Frédéric Poirier

Dernier argument (et non le moindre): les citoyens le réclament, assurent les élues. 

Un comité est au travail et un échéancier détaillé, avec la liste complète des coûts du projet, devrait paraitre dans les prochains mois.

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