Explosion en 2022 à Saguenay: la coroner confirme le double infanticide


Dominique Lelièvre
Un père de famille qui «vivait mal» une séparation amoureuse et qui avait accès à des explosifs à son travail a entraîné avec lui dans la mort ses deux jeunes garçons lors de l’explosion spectaculaire d’une maison en 2022 à Saguenay.
Plus de trois ans après la tragédie, la coroner Francine Danais a dévoilé jeudi ses conclusions concernant les décès de Dérick Lalancette et de ses fils, Félix, 2 ans, et Édouard, 6 mois.
Le 10 janvier 2022, vers 10h, les pompiers ont dû se rendre au domicile de l’homme de 39 ans, rue Dubose dans le secteur d’Arvida, où une déflagration avait été signalée.
Son corps inanimé et celui de ses deux garçons ont été retrouvés à l’intérieur.

Me Danais conclut au suicide du père et à l’infanticide des deux enfants, ce qui confirme la thèse du geste délibéré qui avait déjà été avancée par la Sûreté du Québec.
Tous les trois sont décédés d’un polytraumatisme causé par une explosion.
Séquence tragique
Le matin du drame, la mère des enfants était venue porter le plus jeune au domicile de son ex-conjoint alors que l’autre garçon s’y trouvait déjà.
Deux minutes avant l’explosion, qui a causé un cratère dans le plancher de béton et a endommagé lourdement l’intérieur de la maison, l’homme a envoyé un message texte à un proche «mentionnant son état d’âme».

La déflagration est survenue au sous-sol, alors que le père portait son bambin sur lui et que son autre fils se trouvait à un mètre de lui.
Selon l’enquête policière, Dérick Lalancette était séparé de son ex-conjointe depuis octobre 2021 et «vivait mal» cette situation.
Il trouvait difficile d’être un père monoparental de quatre enfants (dont deux issus d’une union précédente) et se plaignait de son horaire de travail.

Quelques jours avant les événements, il contactait son assureur pour vérifier qui était le bénéficiaire de la police d’assurance habitation en cas de sinistre de sa maison.
Il «vivait assurément une détresse psychologique. Aurait-il été possible de détecter celle-ci et d’intervenir avant qu’il ne soit trop tard? Difficile à dire», questionne la coroner.
Meilleur contrôle réclamé
En tant que travailleur dans une mine de la région, Dérick Lalancette avait accès à des explosifs et détenait un permis général d’explosifs (PGE).
«Les différentes expertises effectuées n’ont pas permis de confirmer la provenance des explosifs, mais selon toute vraisemblance M. Lalancette se serait indûment approprié des explosifs à son emploi puisqu’il en avait l’opportunité», précise le document.

Me Danais s’interroge sur les mesures de sécurité sur son milieu de travail à l’époque.
Depuis la pandémie de COVID-19, il n’y avait plus de fouilles aléatoires des employés. Il n’y avait aucune caméra de surveillance et le registre des entrées et sorties d’explosifs était «souvent mal rempli», a-t-elle constaté.
La coroner plaide pour un resserrement du contrôle des accès aux dépôts d’explosifs sous terre à travers l’industrie, pour une meilleure diffusion des outils de sensibilisation à la détresse psychologique et pour rendre les fouilles obligatoires.
Elle presse le gouvernement de compléter la révision de la Loi sur les explosifs, qui a peu évolué depuis 1970.
Les recommandations en bref
La coroner Francine Danais formule sept recommandations au ministère de la Sécurité publique, à la CNESST et à l’Association minière du Québec, notamment de:
- Modifier dans les meilleurs délais la Loi sur les explosifs afin de resserrer le contrôle et la surveillance des accès aux dépôts d’explosifs sous terre
- S’assurer de l’application des sanctions prévues à cette loi
- Évaluer la possibilité d’améliorer le règlement sur la santé et la sécurité du travail dans les mines, notamment en améliorant la surveillance et en limitant l’accès aux explosifs seulement aux personnes qui les utilisent pour leur travail
- Inviter les membres de l’Association minière à rendre obligatoire la fouille des employés travaillant dans les mines souterraines
- Étendre les mesures de sensibilisation à la détection de la détresse psychologique