Explosion des coûts du F-35: Ottawa n’a rien appris de ses erreurs
Le prix des 88 chasseurs a explosé pour passer de 19G$ à au moins 28G$


Guillaume St-Pierre – analyse
OTTAWA | Mark Carney a peut-être frappé dans le mille avec l’annonce de la hausse des budgets de la défense, mais le fiasco financier du F-35 rappelle que la confiance des Canadiens pourrait très vite s’effriter.
Le premier ministre a surpris à peu près tout le monde lundi en annonçant que le Canada allait atteindre la cible de 2% de l’OTAN en matière de défense grâce à un investissement de plus de 9G$ dès cette année.
Un bon coup
La classe politique et même une forte majorité de Canadiens applaudissent la démarche.
Un nouveau sondage indique que 51% sont d’accord avec cet objectif tandis que 17% voudraient même aller plus loin.
Très bien, mais tout le monde sait que les achats militaires sont constamment gangrenés par des scandales et des dépassements de coûts.
On finit soit par ne jamais dépenser l’argent, soit par en dépenser beaucoup plus que prévu.
Prenons l’exemple du F-35, dont le fiasco a connu un autre rebondissement mardi. Il s’avère que le coût des 88 chasseurs a explosé pour passer de 19G$ à au moins 28G$, selon un autre rapport dévastateur de la vérificatrice générale du Canada, Karen Hogan.
C’est sans compter les 5,5G$ de plus que coûtera la mise à niveau des infrastructures et de l’armement pour les accueillir, ce qui ajoute 5,5G$ au coût total.
Comment en sommes-nous arrivés là? Il semble que les gouvernements successifs n’ont rien appris. Le ver est dans la pomme depuis le départ, c’est-à-dire le grand mensonge sur le coût d’achat.

Un vieux scandale
Stephen Harper a provoqué un scandale lorsqu’on a appris que les coûts avaient été grossièrement sous-estimés.
Le gouvernement Trudeau n’a pas fait bien mieux lorsqu’il a choisi le F-35 en 2023.
Mme Hogan a révélé que les libéraux s’étaient fiés à une vieille étude de 2019 pour en établir le budget.
Des données de 2022, plus à jour, étaient pourtant disponibles. Pire encore, le ministère de la Défense s’attendait lui-même à ce que le coût définitif dépasse l’estimation de 2022.
Le cycle de la grande hypocrisie sur le coût de ses grands projets militaires se poursuit.
Pour l’instant, Mark Carney ne s’en retrouve pas tellement égratigné. Ses nouvelles dépenses en défense sont justement perçues comme pragmatiques.
Mais il aurait intérêt pour la suite à jouer franc-jeu avec les Canadiens sur le coût réel de ces énormes dépenses militaires, s’il souhaitait conserver leur adhésion.