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L'article provient de Le Journal de Montréal
Politique

Exploitation sexuelle de mineures: nous n'en connaissons que la pointe de l'iceberg

Robert G. Miller, milliardaire et fondateur de Future Electronics.
Robert G. Miller, milliardaire et fondateur de Future Electronics. Photo tirée de «Forbes»
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Photo portrait de Maria Mourani

Maria Mourani

2023-02-08T05:00:00Z
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Ève*, 20 ans, est serveuse dans un restaurant huppé du centre-ville de Montréal. Elle est venue au Québec avec un permis de travail. Son patron, un homme connu du gratin montréalais, lui fait savoir qu’en échange de services sexuels, il la rémunérera grassement. Elle devra aussi satisfaire plusieurs de ses clients et amis. 

Ève, que je rencontre dans le cadre de ma pratique en criminologie, découvre que le réseau de son patron est bien plus tentaculaire qu’il n’y paraît. Pourtant, elle refuse de porter plainte et de m’en parler davantage. Elle a peur, car il aurait le bras long. 

Y a-t-il d’autres « systèmes » comme celui qui impliquerait le milliardaire québécois Robert Miller et qu’a mis au jour une enquête de Radio-Canada la semaine dernière ?  

Mon expérience de criminologue et ma pratique me portent à croire que ce n’est en effet que la pointe de l’iceberg.

PERVERSIONS

Certains de ces réseaux servent à nourrir les perversions sexuelles d’un seul homme, alors que d’autres contribuent à fournir des adolescentes, certaines aussi jeunes que 14 ans, à des réseaux de pédophiles, incluant des hommes riches et de pouvoir. Jeffrey Epstein, ce milliardaire américain ami des vedettes, de la royauté et des politiques – qui, bizarrement, est mort en prison – en est un bel exemple. 

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Les caractéristiques de ce qu’on appelle depuis quelques jours le « système Miller » ressemblent en certains points à celui que Georges Radwanli avait mis en place et qui avait été mis au jour lors de l’Opération scorpion, sur la prostitution juvénile à Québec, en 2002. 

Radwanli, un riche homme d’affaires, s’était notamment reconnu coupable d’avoir facilité la rencontre d’adultes et de mineures à des fins sexuelles.

L’argent et les cadeaux, mais également la peur de ne pas être crue et la honte, maintenaient les victimes dans le silence. 

Est-ce différent maintenant ? 

Faisons la lumière

À la suite des révélations de la semaine dernière, plusieurs voix se sont élevées dans le milieu politique. Un peu comme s’ils découvraient l’horreur : une enquête policière bâclée, des victimes malmenées, un avocat du suspect assistant à tous les interrogatoires, un procureur jouant à l’autruche et, finalement, une enquête qui finit en queue de poisson. 

Mais tout cela est du déjà-vu... 

Certains souhaitent que le SPVM rende des comptes, mais qu’en est-il de ce procureur qui a décidé de ne pas poursuivre ? Qui est-il ? L’enquête journalistique ne l’indique pas, mais je suis convaincue que le DPCP, qui appelle les victimes à dénoncer, est tout à fait capable de demander des comptes à ce procureur. 

C’est bien beau de taper sur les policiers – et je sais pertinemment qu’à l’époque où les faits seraient survenus, ceux-ci n’avaient pas toujours le doigté requis avec les plaignantes –, il n’en demeure pas moins qu’un système se maintient par la force de ces rouages, dont les procureurs, les avocats et les juges font partie. D’autant plus qu’au Québec, ce sont les procureurs qui décident de poursuivre ou non. 

Alors, à quand une commission d’enquête québécoise pour faire la lumière, une fois pour toutes, sur ce fléau ?

*Ève est bien entendu un nom fictif

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