Un guide pour expliquer l'Alzheimer aux enfants


Marie-France Bornais
Autrice des séries jeunesse à succès Les Éternels et Le royaume de Lénacie, Priska Poirier a publié l’an dernier un guide pratique pour les gens qui accompagnent les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Cette année, elle présente un guide facile d’accès, clair et très sensible, conçu spécialement pour les enfants qui voient leurs proches perdre peu à peu leurs facultés physiques et mentales.
Dans L’Alzheimer racontée aux enfants, un livre abondamment illustré par Jean Morin et conçu pour répondre aux questions d’un jeune public, Priska Poirier partage ce qu’elle a appris. Elle a elle-même été témoin des ravages de cette maladie qui a emporté sa mère, après 17 années difficiles.
Dans le livre, la maladie est présentée sous forme d’histoire. Philippe apprend que son papi Louis-Chêne a une maladie qui affecte sa mémoire. Il est inquiet : il a peur que son grand-papa l’oublie. Pourtant, même si les souvenirs de Louis-Chêne s’effacent, l’amour demeure.
Cette histoire toute simple, très touchante et très bien pensée est suivie de conseils pratiques pour que les enfants découvrent les gestes adéquats à poser pour s’adapter aux différents stades de la maladie. L’objectif est de comprendre ce qui se passe, démystifier la maladie, s’adapter et garder une belle relation avec la personne atteinte.
En entrevue, Priska Poirier explique qu’avant d’écrire le guide pour adultes sur l’Alzheimer, publié en janvier 2022, elle avait en tête cette histoire pour enfant.
«La relation qu’on a avec quelqu’un, c’est toujours beaucoup plus que juste la parole, surtout un grand-parent avec un petit enfant. C’est plus profond», partage-t-elle.
«Parfois, les parents, pour protéger les enfants, en disent le moins possible alors qu’en réalité, quand on avise, quand on dit voici ce qui se passe, c’est la réalité, c’est à ça que tu vas être confronté et c’est normal, l’enfant est bien.»
L’écrivaine a vécu la progression de la maladie avec sa mère, comme le petit Philippe du conte.
«À la fin, il n’y a plus de conversation, mais il y a encore un lien qui est là, qu’on n’explique pas. Il y avait des moments où elle savait qui j’étais et elle était encore là.»
À un moment, dans le conte, le grand-papa regarde dans le ciel et se demande ce que sont les choses blanches qu’il voit dans le ciel (des nuages).
«Ma mère disait ça. Elle se demandait ce que c’était, ces choses-là blanches qui tiennent tout seul dans les airs.»
La maladie d’Alzheimer est déstabilisante pour les personnes atteintes et pour l’entourage.
«Ils oublient tout. Quand la luminosité descend, ils deviennent très inquiets parce qu’ils ne sont plus capables de se situer dans le temps. Ils ne sont plus capables de suivre l’horloge. À tous les soirs, il commence à faire noir et eux, ils ne comprennent pas ce qui se passe.» D’où l’importance d’allumer les lumières dans la maison.
Renforcer les liens
Priska parle beaucoup de renforcement de liens intergénérationnels dans le livre.
«J’ai grandi avec des personnes âgées. Il faut comprendre le lien. C’est pas juste la personne atteinte de la maladie d’Alzheimer ou la personne âgée qui a besoin de visite. L’enfant, peu importe son âge, donne du temps. Il ne le sait peut-être pas sur le coup, mais ça fait du bien», fait-elle remarquer.
«On a besoin de racines. On a besoin de contacts. Une personne âgée ne donne pas le même genre de contact qu’un ami. C’est pas la même vitesse, c’est pas les mêmes conversations, c’est pas le même lien. Et ce lien, je pense que c’est une force, dans la vie, pour la majorité des gens.»
Une personne qui a la maladie d’Alzheimer peut raconter sa jeunesse, très longtemps, ajoute-t-elle, parce que sa mémoire à long terme est intacte. «Ça devient un peu son présent.»
- Priska Poirier est écrivaine.
- Elle a publié plusieurs séries jeunesse à succès, dont Le royaume de Lénacie et Les Éternels.
- Elle a également publié un livre pour adultes sur la maladie d’Alzheimer.
EXTRAIT

«Il est normal que tu trouves difficile d’accepter que ton grand-papa ou ta grand-maman perde progressivement ses facultés mentales, comme ses souvenirs, et ses capacités physiques, comme son habileté à marcher vite. On appelle cette peine : un deuil blanc. Ça veut dire que tu perds des choses que tu aimais beaucoup chez ton grand-parent. Même s’il est encore en vie et que tu peux le voir, ce n’est plus comme avant.»