Exclusif: le Kyle Dubas de la KHL s’ouvre sur plusieurs dossiers


Nicolas Cloutier
La Ligue nationale de hockey a vu John Chayka et Kyle Dubas devenir directeur général à 26 et 32 ans respectivement. La KHL a son Dubas, un dénommé Maxim Gafurov, nommé DG du Torpedo de Nizhny Novgorod à l’âge de 32 ans en 2020.
Gafurov, qui se trouve aussi à être le DG de l’espoir du CH Bogdan Konyushkov dans la KHL, a accepté de se prononcer sur plusieurs sujets chauds durant une longue conversation téléphonique avec le TVASports.ca.
Par exemple : qui est le prochain Artemi Panarin? Peut-être bien le fils d’Andrei Kovalenko, ancien attaquant des Nordiques de Québec et des Canadiens de Montréal.
«Je suis biaisé parce que c’est un de mes attaquants, mais je dirais Nikolai Kovalenko, s’est avancé Gafurov. C’est une saison compliquée pour lui en raison des blessures, mais il a une grande force de caractère. Son père était un très bon joueur et grâce à lui, Nikolai parle un peu anglais.»
Nikolai Kovalenko appartient à l’Avalanche du Colorado. «Je crois que l’Avalanche le voit comme un joueur qui pourrait évoluer au sein de leurs trois premiers trios et en infériorité numérique», a mentionné Gafurov, qui était directeur commercial de la société d’analyse de performances sportives InStat avant d’accéder à un poste de directeur général dans la KHL.
Fondée à Moscou en 2007, InStat possède aujourd’hui des bureaux partout dans le monde et est devenue une référence pour l’analyse sportive tant au football, qu’au hockey et au basketball. C’est un outil précieux, notamment pour les dépisteurs.
Si l’on présente Gafurov comme le Dubas de la KHL, ce n’est pas strictement en raison de son entrée en poste à un âge précoce. Maintenant à la tête des Penguins de Pittsburgh, Dubas était jadis connu comme le dauphin de Lou Lamoriello à Toronto. Et Gafurov a lui aussi bénéficié de la sagesse du doyen des directeurs généraux de la LNH. Il a pu rencontrer Lamoriello en personne.
«Personne ne l’aime on dirait, mais pourtant, j’ai eu une rencontre fantastique avec lui, a raconté Gafurov. Un grand homme. J’ai apprécié les précieux conseils qu’il m’a prodigués. Il a emmené avec lui des chapitres de son livre favori. Je consulte encore ces informations de temps à autre.
«Nous avons surtout discuté des types de personnalité dont tu as besoin dans un vestiaire. Cela s’applique à tous les sports. Chaque équipe championne semble avoir ces ingrédients spécifiques.»

Une équipe fascinante
Le collègue du Journal de Québec Kevin Dubé l’avait très exposé dans un article publié au mois de septembre : la KHL n’est pas une ligue de développement. Plusieurs jeunes joueurs prometteurs ont fait les frais des vieilles mentalités prônées par les dirigeants du circuit continental.
À cet égard, le club de Gafurov détonne. Le Torpedo a confié d’importantes responsabilités à Konyushkov, 21 ans, Vasily Atanasov, 21 ans, Nikita Artamonov, 18 ans, et, surtout Anton Silayev, 17 ans.
Une approche qui détonne tellement dans la KHL qu’elle laisse certains collègues de Gafurov incrédules.
«Nous ne nous comportons pas comme une équipe typique de la KHL, a reconnu le DG du Torpedo. Nous sommes très différents. Certains de mes collègues ont, disons, d’importantes réserves. Avec la situation actuelle qui complique le recrutement de joueurs étrangers, le moment est encore plus propice pour laisser la chance aux jeunes.»
La stratégie est d’autant plus logique que le Torpedo doit trouver une manière de se démarquer malgré un budget famélique par rapport à celui des équipes de pointe, comme celui du SKA de Saint-Pétersbourg et du CKSA de Moscou. Et comme dans Moneyball au baseball, le Torpedo n’a rien à envier à ces puissances alors que le club a obtenu quatre victoires de plus que Moscou cette saison.

«Les résultats ne sont pas notre principale considération. Ils sont cruciaux, oui, et ils font partie intégrante des plans. Mais nous essayons de développer des joueurs de hockey. C’est une approche qui ressemble davantage à celle que l’on voit dans la LNH dorénavant. Nous tentons de bâtir une équipe pour l’avenir en développant le plus de recrues possible.
«Autrement, on ne peut pas rivaliser financièrement avec les autres clubs. Le SKA et le Dynamo ont un budget deux fois supérieur au nôtre.»
Un telle stratégie ne pourrait être mise en œuvre sans un entraîneur-chef moderne comme Igor Larionov.
«C’est le fils de Valeri Kharlamov [ancienne légende du hockey soviétique], Alexander, qui a eu l’idée de l’embaucher, a expliqué Gafurov. Notre priorité était d’implanter un style de jeu axé sur l’attaque, c’est une grande partie de l’identité du Torpedo.
«Avant l’arrivée de Larionov, je voyais beaucoup de problèmes dans notre façon de faire. Nous avions de bons joueurs, mais notre philosophie était terrible. Nous voulions ouvrir le jeu. Larionov était certainement la solution.»
Deux bons espoirs pour 2024
Gafurov s’explique encore mal pourquoi Atanasov, l’une des jeunes perles de son club, n’a pas trouvé preneur au dernier repêchage.
«Je l’avais recommandé aux équipes de la LNH, et Larionov aussi, a confié le dirigeant. Je ne sais pas pourquoi les équipes ont levé le nez sur lui. Il aurait été une belle trouvaille. Dans les derniers tours, le risqué est faible, mais il peut rapporter beaucoup.»
Au prochain encan, il faudra surveiller deux autres de ses joueurs, Artamonov et Silayev.
Silayev, un défenseur géant de 6 pi 7 po qui pourrait être repêché dans le top 10, est celui qui retient particulièrement l’attention. Un peu trop au goût de Gafurov, même.
«C’est un T-Rex! Il est intelligent, mais il n’est encore qu’un enfant. L’ennui, c’est qu’en ce moment, il reçoit trop d’appels! Parfois, c’est une source de distractions. J’ai peur que cela influence négativement son jeu.
«Ne me méprends pas, il a du caractère. C’est un leader. Mais c’est fatigant. Il est constamment sollicité pour des entrevues et des appels. Ça fait partie de son travail, mais c’est quelque chose dont j’ai discuté avec son agent pour éviter que ça nuise à son jeu.»

Silayev, un défenseur on vous le rappelle, a établi cette saison le record de points de la KHL pour un joueur de moins de 18 ans. En 47 matchs, il a amassé trois buts et huit aides pour 11 points, un de plus que Vladimir Tarasenko en 2008-2009 avec Novosibirsk.
«Son impact dans la LNH dépendra de l’équipe qui le repêche, a noté Gafurov. Il peut certainement devenir LE défenseur. Je crois qu’il a un potentiel énorme en tant que défenseur excellant dans les deux sens de la patinoire.»
Pour ce qui est d'Artamonov, son nom pourrait sortir assez rapidement, même s'il n'est pas forcément un candidat à être repêché au premier tour.
«Jouer avec le Torpedo à 18 ans lui a donné de la visibilité, a indiqué Gafurov. Il mérite d’être choisi au deuxième ou au troisième tour. C’est un franc-tireur qui peut aussi aider quelqu’un à marquer. Il est assez puissant, il a de bonnes jambes. Le modèle qu’il pourrait suivre, c’est Kirill Kaprizov.»
Si les équipes de la LNH ont toute question sur ces joueurs, elles savent qui rejoindre.
«Nous avons un bon sens moral, a assuré Gafurov. Nous sommes ouverts dans notre approche. Nous sommes heureux de voir nos joueurs aboutir dans la LNH, car cela nous donne de la crédibilité. Prenons Chris Wideman. Sa carrière était compromise. Il est venu jouer avec nous et il a obtenu une offre des Canadiens.»