Exaspérés par le trafic dans leur rue, des résidents du Plateau font la guerre aux automobilistes


Anne-Sophie Poiré
Des résidents d’une petite rue du Plateau-Mont-Royal en ont tellement assez de la circulation de transit dans leur quartier qu’ils ont installé des caméras pour compter le nombre de véhicules qui passent sur leur rue. Ils font aussi de fausses alertes sur l’application Waze pour décourager les automobilistes d’emprunter la voie.
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«Le trafic dans la rue, c’est pare-chocs à pare-chocs. On ne peut pas ouvrir les fenêtres et j’ai peur pour la sécurité. Un enfant qui traversait le passage pour piétons a failli se faire frapper samedi dernier. La voiture ne s’est juste jamais arrêtée», raconte Louis Boustani, un résident de la rue Chabot dans le district de Lorimier, sur Le Plateau-Mont-Royal.
Sa conjointe, Maude Thiffault, affirme, elle aussi, avoir échappé de justesse à un accident la semaine dernière alors qu’elle traversait à l’intersection des rues Laurier et Chabot.
«Je me suis engagée sur le passage piétonnier, mais la voiture ne s’est pas arrêtée. L’automobiliste m’a complètement ignorée alors que j’étais en train de traverser. J’ai dû crier pour qu’il arrête, mais il était déjà bien avancé sur la traverse piétonne», raconte-t-elle.

Avec son voisin et ami Jean-Étienne Côté, Louis Boustani a créé, le 14 septembre dernier, un groupe Facebook dans le but de réunir les citoyens concernés par le problème de circulation sur leur rue.

Trois caméras ont été installées au mois de juin pour calculer le nombre de piétons, de vélos, mais surtout de voitures et de camions circulant sur Chabot entre les rues Masson et Laurier.

Près de 1700 véhicules par jour en moyenne empruntent cette petite route à sens unique qui devrait surtout être utilisée pour la circulation locale, selon les données récoltées par les caméras des résidents.
Hausse de la congestion
La petite rue résidentielle est largement empruntée par les automobilistes pour transiter vers le sud et le pont Jacques-Cartier.
Pour éviter la congestion monstre des avenues Papineau et De Lorimier, les applications de mobilité comme Waze et Google Maps redirigent les véhicules vers des raccourcis qui sont bien souvent de petites rues locales.
Résultat: «Tout le monde s’engouffre sur Chabot et ça crée un entonnoir», résume Louis Boustani.

Jean-Étienne Côté et d’autres citoyens signalent parfois sur Waze de fausses entraves, comme un chantier de construction, pour diriger les automobilistes sur d’autres voies.
La conseillère municipale du Plateau-Mont-Royal, Marianne Giguère, remarque aussi une hausse de la circulation dans le secteur.
Le trafic serait dû à «une tempête parfaite entre les travaux du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, le retour au travail en présentiel depuis la fin de la pandémie, le manque d’infrastructures en transport collectif et l’augmentation du parc automobile», détaille l’élue.
Un chemin sans possibilité
Pour soulager la circulation matinale, des panneaux interdisant les virages entre 7h et 9h ont été installés à la demande du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), le 11 juin dernier. Il est désormais proscrit de tourner vers le sud sur la rue Chabot depuis Masson, du lundi au vendredi.

Mais leur efficacité est «très limitée», admet la conseillère.
«La pancarte ne fonctionne pas vraiment. Elle diminue légèrement le trafic, mais passé 9h, ça repart. Il y en a même avant 7h», déplore Louis Boustani.
Le SPVM confirme que l’interdiction de virage n’est souvent pas respectée. En tout, 179 constats d’infraction ont été remis par le SPVM à l’angle des rues Masson et Chabot, entre le 11 juin et le 16 septembre.
«Les gens sont tellement à bout de la circulation qu’ils prennent des risques de se faire pincer ou de faire une collision, signale Marianne Giguère. Notre objectif est de sécuriser le secteur.»
Une équipe en étude technique de la circulation travaille également à trouver une solution permanente au problème de trafic. Des compteurs ont également été installés par la Ville sur la rue Chabot, mercredi.
«Les comptages seront faits dans le courant de la semaine pour connaître le nombre exact de véhicules qui passent et des patrons de circulation seront aussi produits pour savoir d’où proviennent les voitures», explique la conseillère.
«Il faut que ce chemin ne soit plus une possibilité», lance-t-elle.