Ex-policière accusée: elle aurait encouragé une amie au suicide dans le but d'empocher 2 M$
Anne-Marie Bélanger fait face à des accusations pour fraude et entrave à la justice et pour avoir encouragé une femme à se donner la mort

Kathryne Lamontagne
Une ex-policière de Saint-Jérôme fait face à de lourdes accusations criminelles, elle qui aurait incité une amie au suicide et menti au coroner pour tenter de toucher près de 2 M$ en prestations d’assurance vie, a découvert notre Bureau d’enquête.
Anne-Marie Bélanger, 43 ans, doit comparaître le 19 novembre au palais de justice de Saint-Jérôme pour être accusée de fraude et d'entrave à la justice. On lui reproche aussi d'avoir conseillé à une femme de se donner la mort.

L’histoire a tout d’un thriller hollywoodien à donner froid dans le dos. Selon la thèse policière, Anne-Marie Bélanger aurait encouragé Julie Lasnier à s’enlever la vie, geste fatal qu’elle a finalement posé le 9 août 2021.
La défunte, âgée de 57 ans, avait été retrouvée mystérieusement sans vie, au pied d’un escalier escarpé, dans son écurie de Nominingue, dans les Laurentides. À la suite du drame, le coroner Steeve Poisson a été mandaté afin de faire la lumière sur ce décès.
L’ex-agente Anne-Marie Bélanger, qui était héritière, aurait alors «intentionnellement» entravé l’enquête en détruisant un élément de preuve lié à la mort de son amie et en «mentant» au coroner Poisson, soutient le mandat d’arrestation.
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Selon nos informations, l’héritière aurait tenté de le convaincre que Julie Lasnier avait été victime d’une chute accidentelle. Cela lui aurait permis de toucher l’assurance vie de la défunte.
«Si c’était un suicide, il n’y avait pas de prime. Les compagnies d’assurance ne paient pas en cas de suicide dans les deux ou trois années suivant l’achat d’une police, pour éviter qu’une personne prenne une assurance vie de 20 M$ et passe à l’acte le lendemain», illustre un informateur.
Julie Lasnier détenait visiblement plus qu’une police d’assurance vie, puisqu’Anne-Marie Bélanger est accusée d’avoir floué trois compagnies différentes, pour une fraude potentielle qui aurait pu atteindre 1,94 M$ en prestations.
La compagnie en héritage
Dans la foulée du décès de son amie, l’ex-patrouilleuse aurait aussi hérité de la fermette de 119 acres, de plusieurs animaux – dont une dizaine de chevaux – et d’un centre de réhabilitation canin d’une valeur d’un demi-million de dollars, à Nominingue.

Anne-Marie Bélanger et son mari – un ancien policier de la Sûreté du Québec, qui ne fait face à aucune accusation dans cette affaire – en ont fait depuis un centre de toilettage et de bien-être animal «afin d’honorer la mémoire de cette grande dévouée des animaux», peut-on lire sur le site internet de l’entreprise.
Démission
Le pot aux roses aurait été découvert lorsque de nouvelles informations sur les circonstances du décès de la quinquagénaire auraient émergé auprès des autorités, selon nos sources. Ces éléments auraient permis de mettre en lumière les manigances alléguées d’Anne-Marie Bélanger.
La direction des affaires internes de la Sûreté du Québec s’est mise au travail en octobre 2022. Anne-Marie Bélanger a finalement remis sa démission, le 30 août 2023, confirme l’inspecteur Dominique Boulay, de la police de Saint-Jérôme, qui parle d’elle comme d’une «policière d’expérience».
Suicidaire
Notons que dans son rapport complété en septembre 2022, le coroner Steeve Poisson attribue le décès de Julie Lasnier à une intoxication à l’alcool et aux médicaments. Il conclut à un suicide.
Le coroner souligne notamment que la défunte présentait des difficultés financières importantes, était dépressive et avait déjà verbalisé, le mois précédant sa mort, des idées suicidaires. Elle avait d’ailleurs avisé ses proches qu’elle avait préparé sa succession, poursuit-il.
– Avec la collaboration de Ian Gemme.
La défunte avait un amant secret
La défunte Julie Lasnier aurait entretenu durant une vingtaine d’années une liaison secrète avec un homme fortuné, dont les enfants auraient aussi été fraudés par l’ex-policière Anne-Marie Bélanger.
«Julie, c’était la maîtresse secrète de mon père. C’était un immense secret», confirme Jonathan Germain, qui a connu la dame, qui lui avait d’abord été présentée comme une collègue de travail de son père.
Hugues Germain, qui s’était remarié après sa séparation de la mère de ses enfants, pratiquait la médecine au même hôpital où travaillait Julie Lasnier, aux archives. C’est là qu’ils se sont rencontrés et que leur liaison s’est développée, selon Jonathan Germain, qui estime toutefois que son père avait plus d’une maîtresse.
Un ranch en cadeau
Le médecin semblait toutefois très épris de Julie Lasnier, selon son fils. Il le soupçonne d’ailleurs d’avoir offert à sa maîtresse un ranch, là même où elle s’est suicidée en août 2021.

«Il y avait quelque chose de beau dans leur histoire, c’est qu’ils étaient amoureux des animaux. Comment Julie faisait pour avoir un ranch avec des chevaux, des moutons, des chiens... C’est mon père qui finançait ça», relate-t-il.
Autre suicide
Hugues Germain a toutefois mis fin à ses jours, en septembre 2014, à l’âge de 60 ans. Julie Lasnier a alors hérité de plusieurs centaines de milliers de dollars, avance Jonathan Germain. Et c’est à ce moment que la double vie de son père a été révélée au grand jour. Julie Lasnier s’est alors mise à fréquenter, à l’occasion, les enfants de son défunt amant.
«Je pense qu’elle était contente d’avoir un petit accès à la vie de mon père. Ma sœur a trois enfants. Le ranch, c’était comme un Disney World pour eux. On y est allés deux ou trois fois», explique-t-il.
À un certain moment, Julie a informé Jonathan et sa sœur qu’elle les avait inscrit sur son testament. Il faut dire que la fratrie n’avait hérité de rien lors du décès de leur père.
«[Julie] n’avait pas d’enfants, je pense qu’elle a voulu un peu réparer cette injustice-là», raconte-t-il.
À son décès, les Germain ont donc effectivement hérité d'elle. C’est là qu’ils auraient reçu un appel de l’ex-policière Anne-Marie Bélanger, qu’ils ne connaissaient pas, et qui leur aurait réclamé 10 000$ chacun. Selon la thèse policière, les raisons évoquées alors par Anne-Marie Bélanger pour obtenir cet argent auraient été trompeuses.
Jonathan et sa sœur ont tout de même acquiescé de bonne foi. Mais ils ignoraient les circonstances exactes ayant mené au décès de la maîtresse de leur père.
Anne-Marie Bélanger est aujourd’hui accusée de les avoir fraudés pour 20 000$, selon le mandat d’arrestation lancé contre elle.
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