Être ou ne pas être patriote en 2025


Laure Waridel
Chaque fois qu’on me décerne un prix, un sentiment d’imposture me saisit.
Tant de gens s’engagent pour protéger l’environnement et la justice sociale avec cœur et rigueur sans jamais recevoir d’hommages. Leur travail est moins visible que le mien, mais tout aussi essentiel. Si ce n’est plus!
À vous tous et toutes qui vous reconnaissez, je vous rends les honneurs que vous méritez.
Prix Patriote de l’année
Quand la Société nationale des Québécois Richelieu–Saint-Laurent m’a approchée pour me remettre le prix Patriote de l’année, j’ai eu les larmes aux yeux.
J’étais touchée. Mais aussi bouleversée. Car au moment même où on soulignait mon engagement envers le Québec, j’entendais François Legault et Paul St-Pierre Plamondon pointer les immigrants du doigt comme s’ils étaient responsables de tous nos problèmes sociaux, plutôt que faisant partie des solutions.
Ces propos m’ont fait me sentir de trop, même si mes parents ont immigré ici il y a 50 ans.
Je n’ose pas imaginer ce que ressentent les immigrants récents qui n’ont pas la peau blanche et qui travaillent fort pour apprendre le français.
Immigration
J’avais 2 ans quand mes parents ont quitté la Suisse pour s’installer sur une ferme laitière à Mont-Saint-Grégoire avec leurs cinq enfants.
J’ai souvent vu ma mère pleurer. Sa famille et sa vie d’avant lui manquaient.
Mes débuts à l’école ont été chaotiques. Je ne comprenais pas ce qu’on attendait de moi et j’étais toute mélangée.
En deuxième année, j’ai été placée dans une classe spécialisée. Nous étions neuf et avions la visite régulière d’une orthopédagogue. Marie-Thérèse et Marielle m’ont aidée à défaire des nœuds dans ma tête et dans mon cœur.
Elles m’ont appris à apprendre et surtout elles m’ont donné confiance en moi.
Société distincte
Si je suis devenue patriote, c’est grâce à un Québec qui croyait en moi, même si je venais d’ailleurs. Aujourd’hui, je m’inquiète de voir ce précieux filet social se défaire, alors que tant d’enfants ont besoin d’aide.
Combien d’entre eux tombent entre les mailles, parce qu’on ne priorise pas leurs besoins? On préfère réduire les impôts et subventionner des entreprises polluantes au lieu d’investir dans nos écoles et notre système de santé.
Pourtant, il n’y a pas de société distincte sans solidarité ni sans respect pour ce territoire qui nous habite autant qu’on l’habite.
Valeurs
Être patriote en 2025, ce n’est pas seulement défendre le français et la culture québécoise.
C’est vouloir un Québec qui protège ses enfants et ses rivières, qui soigne ses aînés et ses forêts, et qui accueille les nouveaux arrivants avec le même cœur que ceux qui l’ont bâti.
Un Québec où la justice sociale et la protection de l’environnement ne sont pas des options, mais des fondements.
C’est pour ce Québec-là que je me lève chaque matin. C’est celui auquel je continue de croire de toutes mes forces. Celui qui m’entraîne chaque jour dans l’action avec des centaines de Mères au front et autres patriotes qui œuvrent à une suite du monde plus écologique et solidaire.
Pour tous nos enfants.