Et si le Canada était déjà le 51e État américain?


Joseph Facal
Donald Trump n’aura peut-être pas besoin de trop se forcer.
Le boulot est déjà fait pour l’essentiel.
Le Canada n’est certes pas un État américain sur le plan légal.
Mais s’il l’était déjà ou presque sur le plan psychologique, entre les deux oreilles de beaucoup de gens?
J’exagère? Vraiment?
Obsession
Prenez les dernières élections fédérales.
C’est Trump qui a dicté le choix majoritaire des Canadiens.
Tout pendant cette campagne tourna autour de lui.
Va-t-il nous faire mal?
Comment va-t-il s’y prendre pour nous faire mal?
Que faut-il faire pour le calmer?
Qui semble le plus en mesure de le calmer?
Quand toutes vos pensées, tous vos agissements sont en fonction d’autrui et non en fonction de vous, quel est votre degré d’autonomie réelle?
Peut-on se dire libre, indépendant, si on se demande continuellement au sujet de quelqu’un: vais-je le fâcher, sera-t-il gentil avec moi?
La femme qui rase les murs pour ne pas déplaire à un mari violent est-elle libre?
Maintenant que l’élection est derrière nous, la psychose Trump se poursuit et conduit certains à parer Carney de vertus messianiques.
Pourquoi? Parce que son entretien avec le grand méchant loup s’est mieux passé que celui de Zelensky, qui, lui, comptait ses morts et devait aller droit au but?
La rencontre Trump-Carney n’a pas été meilleure ou pire que celle de Trump avec Starmer, avec Macron, etc.
Mais notre commentariat ne se peut plus d’aise. Il est pâmé d’admiration.
Un peu plus et il va s’évanouir comme les midinettes de jadis devant Elvis Presley.
Franchement!
Carney fait trois pas sans trébucher et on lui trouve la grâce de Barychnikov.
Il reste flegmatique et on le trouve churchillien.
Bientôt, s’il dit trois phrases intelligibles en français, on lui trouvera l’éloquence de de Gaulle.
Ri-di-cu-le.
Mais j’ai sans doute tort de m’en étonner.
Comme le notait Richard Martineau, nous applaudissons le pilote qui atterrit normalement son avion.
Nous donnons des ovations debout à des spectacles corrects sans plus.
Nous mettons la barre basse, très basse.
Le Canada anglais, lui, est tourmenté depuis qu’il existe par sa relation trouble avec les États-Unis.
C’est compréhensible puisqu’il fut largement bâti par des gens ayant fui les treize colonies au moment de la révolution.
En quoi est-il différent des États-Unis?
Cette question traverse comme un fil rouge la vie intellectuelle et politique du Canada anglais depuis longtemps.
Dans son classique Lament for a Nation (1965), le grand philosophe torontois George Grant déplorait déjà l’américanisation du Canada.
Admiration
Le Québec vit son rapport aux États-Unis différemment.
Ce qui nous distingue saute aux oreilles: la langue.
Pour le reste, nous éprouvons à leur endroit un mélange de crainte et d’admiration.
Cela explique-t-il, par exemple, l’extraordinaire popularité chez nous des prénoms anglophones donnés aux nouveau-nés dont les deux parents sont pourtant francophones?
Je l’ignore.
La fière souveraineté du Canada face aux États-Unis?
Et si certaines attitudes illustraient exactement le contraire?