Les coupes frapperont-elles Radio-Canada?


Guy Fournier
Le premier ministre Mark Carney sonne la fin de la récréation: des coupes annuelles de 7,5%, de 10%, puis de 15% jusqu’en 2028-2029 dans tous les ministères.
Si l’on en croit le «lapin Energizer» du gouvernement, le ministre des Finances François-Philippe Champagne, seuls les transferts aux provinces et aux territoires, les services sociaux, le remboursement de la dette et les prestations aux personnes du troisième âge seraient exemptés.
S’ils sont conséquents, ni l’opposition ni la presse et ni les contribuables ne devraient trop s’en plaindre, eux qui n’ont pas cessé de fustiger le gouvernement débonnaire de Justin Trudeau.
La dernière campagne électorale fut trop courte, semble-t-il, pour que le nouveau chef du parti libéral puisse révéler ses intentions en culture. Il n’a pas été plus loquace là-dessus depuis l’élection. On peut donc imaginer que les coupes à la tronçonneuse qu’il vient d’ordonner s’appliqueraient aussi en culture et, au premier chef, à Radio-Canada.
Jean Chrétien fut plus dur
Si les barèmes mentionnés s’appliquent aussi au diffuseur public, ses crédits parlementaires passeraient l’an prochain de 1,4 milliard $ à 1,295 milliard $, puis à 1,165 milliard $ l’année suivante pour s’établir à 959 millions $ en 2028-2029. Les crédits de Radio-Canada n’étaient pas loin de ce niveau en 2015. Dix ans plus tôt, Jean Chrétien, qui ne portait pas le diffuseur public dans son cœur, avait sabré d’un coup 400 millions $ dans les crédits de CBC/Radio-Canada.
Le diffuseur public pourrait-il survivre avec des crédits d’environ 1 milliard $? Sûrement, puisque ce ne sont pas ses seuls revenus. Radio-Canada peut aussi compter sur environ 400 millions $ provenant de la publicité et de ses abonnements, en plus de la centaine de millions qu’il touche bon an mal du Fonds des médias du Canada par le truchement des producteurs indépendants avec lesquels il traite.
Malgré des coupes aussi drastiques, le budget de Radio-Canada resterait plus considérable que celui de CTV et serait encore trois fois plus élevé que celui du Groupe TVA. Il est vrai que ni CTV ni TVA n’ont les obligations de CBC/Radio-Canada qui doit desservir le pays dans les deux langues officielles, sans compter les populations autochtones des régions périphériques.
La publicité à Radio-Canada
Malheureusement, il n’est pas interdit d’imaginer que ces coupes radicales pourraient aussi s’appliquer au Conseil des Arts, à Téléfilm, à l’Office national du Film et au Fonds des médias du Canada, qui reçoit du fédéral plus de 140 millions $ par an. Le reste du budget du Fonds des médias provient de la contribution des distributeurs, contribution qui ne cesse de diminuer en raison du désamour des téléspectateurs pour le câble et le satellite.
Le gouvernement Carney pourrait éviter une rébellion sans précédent du milieu en exemptant des coupes les organismes culturels et en reportant aux oubliettes la recommandation du rapport Yale sur l’abandon de la publicité à CBC/Radio-Canada. Une mesure que préconisait aussi l’ex-ministre du Patrimoine Pascale St-Onge et qui donnerait un peu d’air aux télévisions privées.