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L'article provient de Le Journal de Montréal

Est-ce que la musique adoucit les mœurs?

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Photo portrait de Guy Fournier

Guy Fournier

2022-03-24T09:00:00Z
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Platon, le grand philosophe de la Grèce antique, prétendait que la musique adoucit les mœurs, mais il prétendait aussi le contraire.

Mardi soir, dans la lumière bleutée de la basilique Notre-Dame, pendant que Serhiy Salov, drapé dans le drapeau jaune et bleu de l’Ukraine, jouait avec émotion l’andante du Concerto pour piano no 2 de Chostakovitch, je n’arrivais pas à imaginer qu’on puisse de nos jours avoir encore des pulsions guerrières. Pourtant, malgré sa voix malmenée par tant de causes défendues, Natalie Choquette, le poing en l’air au moment de chanter « vincero » (je vaincrai), le dernier mot de Nessun Dorma de Puccini, a réveillé chez moi tout ce qu’il me reste d’esprit combatif.

C’est ainsi qu’installé dans un banc inconfortable de l’église mythique de la Place d’Armes de Montréal, j’ai hésité durant plus de deux heures entre la musique qui adoucit les mœurs et celle qui, comme prétendait aussi Platon, « dont la douceur trop prenante et la volupté diminuent la force virile et le courage des guerriers ». Je ne fus sûrement pas seul à être ainsi tiraillé entre ces deux pôles parmi les centaines de personnes assistant à ce concert pour la paix, monté à la dernière minute par la violoniste Nadia Monczak et la comédienne Claudia Ferri.

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DES MILLIONS DE RÉFUGIÉS

L’invasion de l’Ukraine par les troupes russes de Vladimir Poutine a relégué loin dans les esprits une pandémie qui a fait des millions de morts. Le 24 février, pour la première fois depuis 77 ans, l’effrayant fracas des bombes se faisait entendre en Europe. Depuis, il y a eu plusieurs milliers de morts et probablement cinq millions de réfugiés. C’est pour eux qu’avait lieu ce concert dont tous les frais étaient couverts par la fondation canado-polonaise Karwin-Szymanowski et une vingtaine de fondations et de sociétés canadiennes, dont Québecor.

Leur générosité a permis de recueillir plus de 100 000 $ pour l’Association Folkowisko dont les bénévoles s’affairent à secourir les réfugiés qui affluent à la frontière de la Pologne et de l’Ukraine. On a pu voir une vidéo montrant en direct leurs bénévoles à l’œuvre dans des conditions éprouvantes. 

Tous ceux qui ont adressé la parole au concert ont pris soin de faire la distinction entre le peuple russe, ses artistes et Vladimir Poutine, qu’on tient pour seul responsable de la guerre. C’est à dessein, par exemple, qu’on avait inscrit au programme le compositeur russe Dimitri Chostakovitch. Presque un pied de nez au Conseil des arts du Canada qui a pris la décision déplorable de ne plus soutenir financièrement de nouveaux projets auxquels participeraient des artistes russes. 

AU SECOURS DE LA PAIX  

Plusieurs fois au cours de la soirée, à commencer par le père Guy Chapdelaine, parlant au nom de Miguel Castellanos, curé de Notre-Dame, on a invoqué Dieu au secours de la paix. Le père Chapdelaine a rappelé une prière pour la paix du pape polonais Jean-Paul II et fait état du récent appel vidéo du pape
François au patriarche russe orthodoxe Kirill, un allié de Poutine. Le pape a rappelé au patriarche « que l’Église ne doit pas utiliser le langage de la politique, mais le langage de Jésus ».

Si j’en juge par toutes les guerres qui ont ensanglanté l’humanité, celle de l’Ukraine n’étant sûrement pas la dernière, j’aurais tendance à invoquer les artistes plutôt que Jésus. Les artistes me semblent plus aptes à juguler la guerre que ce Jésus dont je doute parfois de l’existence et souvent de l’efficacité.

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