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L'article provient de Le Journal de Québec
Société

Est-ce que la CAQ est encore Charlie?

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Photo portrait de Sophie Durocher

Sophie Durocher

2023-06-07T04:00:00Z
2023-06-07T04:05:00Z
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Je suis inquiète. 

Quand je vois qu’au Québec on annule un événement parce que les idées qui y sont véhiculées ne plaisent pas au gouvernement, je me demande si la CAQ a bien compris ce qu’était la liberté d’expression. 

Pour rappel, défendre la liberté d’expression, c’est défendre le droit de véhiculer des propos qui nous dérangent, nous répugnent ! Avec lesquels on est en profond désaccord? Après les événements de Charlie Hebdo, en janvier 2015, on a été des milliers à clamer haut et fort: «Je suis Charlie.» Aujourd’hui, je me demande si la CAQ est encore Charlie. 

POLICER LA PENSÉE

La ministre du Tourisme, Caroline Proulx, a forcé l’annulation de l’événement «Rallye foi, feu, liberté», qui comprenait une portion antiavortement et qui devait avoir lieu fin juin au Centre des congrès de Québec, parce que cela créait un «grand malaise». Moi, c’est l’annulation de cet événement, qui n’avait rien de criminel, qui me «crée un malaise».

Par la suite, Mme Proulx a affirmé que le Centre des congrès de Québec, le Palais des congrès de Montréal et le Parc olympique devront s’assurer que les événements qu’ils accueillent respectent les «principes fondamentaux du Québec».

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Misère! Que la ministre nous envoie la liste des «principes fondamentaux du Québec», pour qu’on sache quels événements trouvent grâce à ses yeux

La décision m’inquiète par extension, pour le domaine des arts. Est-ce que cette politique va aussi s’appliquer aux musées subventionnés, aux théâtres subventionnés, aux lieux culturels subventionnés?

«Notre gouvernement est résolument pro-choix. Et c’est un sujet qui fait largement consensus au Québec», a répondu le bureau de la ministre Proulx.

J’ai deux problèmes avec cette position. 1. Cela signifie-t-il que seules les positions du gouvernement ont droit de cité dans les institutions agréées du gouvernement? 2. Seules les questions «consensuelles» peuvent être mises de l’avant?

La ministre Proulx s’est faite menaçante: «J’ai avisé tous les PDG hier soir, leur rappelant que ce genre d’événement là ne se tiendra pas dans les sociétés d’État du Québec. On va s’assurer d’un suivi très rigoureux.»

La police de la pensée unique va sévir ? Hors du consensus québécois, point de salut? C’est exactement contre ça qu’on se bat quand on est Charlie!

Je n’ai aucune affinité, ni de près ni de loin, avec des ultra-religieux qui veulent interdire le libre choix des femmes. Mais je me battrai pour qu’ils puissent en débattre publiquement. La seule raison pour laquelle j’accepterais qu’on annule un événement au Québec, c’est une incitation à la haine ou des propos diffamatoires. 

Cette décision, qui me paraît une atteinte frontale à la liberté d’expression, représente un glissement dangereux vers un contrôle de «la parole acceptable». On ouvre la porte à des décisions arbitraires sur ce qui constitue ou pas des propos qui ont droit de cité. 

QUELLES VALEURS?

Je suis complètement abasourdie d’entendre le PDG du Centre des congrès de Québec affirmer que «la liberté d’expression, c’est la règle», mais que «comme société d’État, on pense que c’est notre rôle d’adhérer à certaines valeurs dont le gouvernement fait la promotion».

Télé-Québec, télévision publique financée par l’État, va-t-elle aussi devoir «adhérer à certaines valeurs dont le gouvernement fait la promotion»?

Ça ne vous fait pas peur?

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