Erreur sur la personne: du profilage racial?


Josée Legault
Six jours en enfer. Difficile de qualifier autrement la terrible erreur judiciaire dont Mamadi Fara Camara fut victime. Accusé à tort de tentative de meurtre et de voies de fait graves sur un policier, il a croupi six jours et nuits en prison avant que les accusations ne soient retirées.
Il y avait eu « erreur sur la personne ». Pendant six jours, ce jeune scientifique d’origine africaine et à la vie tranquille a vu son nom traîné dans la boue sur la place publique. Son épouse enceinte et ses proches ont vécu leur propre enfer.
Le 28 janvier, dans Parc-Extension, M. Camara était questionné par ce même policier parce qu’il l’aurait vu parler au cellulaire dans sa voiture. Le policier aurait ensuite été attaqué par-derrière par un autre homme. Lequel lui aurait aussi pris son arme et tiré dessus.
L’histoire est certes complexe, mais l’injustice subie par M. Camara est choquante. Pendant ce temps, le vrai suspect, armé et capable d’une violence inouïe, court toujours.
Questions sans réponses
Une foule de questions commande des réponses claires du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP).
Une caméra de surveillance du ministère des Transports logée non loin du drame a même capté des images de l’événement. Malgré celles-ci,
M. Camara s’est vu accusé sans fondement.
D’où les appels nombreux à une enquête pleinement indépendante du SPVM et du DPCP. Y compris celui lancé hier par Valérie Plante, mairesse de Montréal.
Que s’est-il vraiment passé ? Pourquoi a-t-on plongé M. Camara dans un tel cauchemar ? Y aurait-il eu profilage racial ? Oui ou non, il faut le savoir.
Y aurait-il eu trop d’empressement au SPVM à coffrer le salaud, quel qu’il soit, capable d’une telle violence envers un des leurs ?
Il faudra savoir aussi comment M. Camara, clamant son innocence à répétition, fut traité en prison et pendant son interrogatoire.
Caméras
Le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, affirmait hier que le SPVM et le DPCP ont « bien fait leur travail ». Or, pour le moment, rien n’est moins sûr.
Moi-même fille de policier, à la nouvelle de l’attaque brutale contre ce policier, j’en ai eu le sang glacé. L’extrême dangerosité de leur travail est une réalité que l’on ignore en effet trop souvent.
Imaginons maintenant l’horreur de ce que M. Camara a vécu à son tour devant un tel événement, dont, en plus, il s’est vu faussement accusé.
Ce drame, c’est également la énième démonstration de la nécessité de munir les policiers de caméras corporelles. On cumule les projets pilotes depuis des années, mais le temps d’agir est venu.
Dans un monde où les caméras sont partout, la moindre des choses est d’en équiper les policiers eux-mêmes.
Il est vrai que les caméras montrent rarement l’entièreté des circonstances d’une agression, quelle qu’elle soit. Mais il arrive qu’elles le fassent.
De toute manière, dans ce monde où tout est filmé, il serait impératif, pour la cueillette des preuves, de voir aussi ce qu’ont vu les policiers présents.