Environnement: Québec en retard pour tester l’eau des tuyaux en amiante
La campagne d’échantillonnage de l’eau potable des tuyaux en amiante-ciment devait commencer à la fin 2022


Annabelle Blais
Contrairement à ce qui était prévu, Québec n’a pas pu commencer à échantillonner l’eau potable dans les municipalités où l’on trouve des tuyaux en amiante-ciment afin de s’assurer que les citoyens ne sont pas exposés à des risques.
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La campagne d’analyse devait commencer d’ici la fin de l’année 2022. Or, notre Bureau d’enquête a appris qu’un retard dans la livraison d’un appareil permettant de réaliser les tests dans l’eau n’a toujours pas été reçu.
Le ministère de l’Environnement peine toutefois à rendre des comptes. Questionné le 10 janvier dernier, il a mis plus de deux mois à répondre au Journal que le plan d’action du gouvernement «ne prévoit pas l’échantillonnage des conduites d’eau en amiante-ciment».
Relancé il y a deux semaines sur les informations contradictoires qu’il avait données à notre Bureau d’enquête à l’hiver 2021, le ministère n’était toujours pas en mesure de répondre au moment de mettre en ligne.
Le ministre de l’Environnement Benoit Charette assure toutefois que le programme est sur les rails et que l’échantillonnage aura bien lieu dès que possible.
Pétition
La question refait surface alors que la députée du Parti vert Elizabeth May a présenté cette semaine une pétition citoyenne à la Chambre des communes afin qu’Ottawa établisse de toute urgence des normes concernant les fibres d’amiante dans l’eau potable.
La pétition exhorte également le Comité fédéral-provincial-territorial sur l’eau potable à mettre en place un registre des endroits où ces tuyaux ont été installés afin qu’ils soient inspectés, en plus de mettre sur pied un programme de remplacement de tous ces tuyaux à terme.
1000 km
En mai 2021, notre Bureau d’enquête révélait que le Québec compte au moins 1000 km de canalisation d’eau potable en amiante-ciment. Par exemple, le réseau de la ville Baie-D’Urfé est composé à 80 % de ce genre de matériau.
Les analyses de l’eau de ces tuyaux permettraient de s’assurer qu’elle ne contient pas de fibres d’amiante qui seraient alors ingérées.
Les fibres d’amiante, lorsqu’elles sont respirées, peuvent entraîner des cancers du poumon, notamment. Ces risques sont bien documentés et reconnus. L’impact des fibres, quand elles sont ingérées, est toutefois moins connu, car il a été beaucoup moins étudié.
Le Dr Arthur Frank, médecin et chercheur à l’École de santé publique de l’Université Drexel, à Philadelphie, avait affirmé au Journal en 2021 qu’il n’y a pas de doute que les conduites en amiante-ciment étaient «dangereuses».
En 40 ans de pratique médicale, il dit avoir constaté que les fibres d’amiante ingérées pénètrent dans le système gastro-intestinal et causent une panoplie de cancers.
Certains articles scientifiques tendent à lui donner raison, mais la communauté scientifique demeure divisée, puisqu’aucune enquête épidémiologique suffisamment vaste n’a été menée.
Les États-Unis ont toutefois établi, il y a près de 40 ans, une norme maximale de fibres d’amiante par litre d’eau, et plusieurs pays dans le monde comme le Pakistan, la France, l’Afrique du Sud, la Malaisie ou encore la Nouvelle-Zélande ont d’ailleurs entrepris de remplacer ce type de canalisation.
Partout au Canada
Dans l’ensemble du Canada, environ 19 % des conduites d’eau seraient en amiante-ciment, d’après l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Lorsque la campagne d’échantillonnage débutera au Québec, la priorité sera d’abord donnée aux municipalités avec le plus grand nombre de kilomètres de tuyaux en amiante-ciment, indiquait le ministère l’an dernier. Comme la province n’a pas de norme sur la présence de fibres d’amiante dans l’eau potable, elle comptait utiliser la norme américaine.
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